GUILLAUME SELLIER
Université du Québec à Montréal
En 1859, l’imminent politicien et entrepreneur montréalais James Ferrier rentra d’un voyage familial en Orient avec une imposante collection d’artéfacts, aujourd’hui conservée par le musée Redpath de l’Université McGill à Montréal. Cette collection, composée d’environ 170 pièces provenant d’Égypte, reflète toute l’admiration historico-religieuse et l’intérêt scientifique que portaient J. Ferrier et ses contemporains pour l’antique civilisation pharaonique. Cette courte étude, qui s’intéresse principalement au matériel inscrit (fragments hiéroglyphiques et statuaires), apporte des résultats de recherche préliminaires et quelques réflexions quant au trajet de J. Ferrier en Égypte et aux modalités de collecte de certaines pièces.
Durant l’hiver 1858-1859, James Ferrier, célèbre entrepreneur et politicien montréalais, poursuit son « Grand tour » par un séjour en Égypte et en Palestine. Ce voyage de quinze mois, exemplaire sur bien des aspects des premiers touristes aisés se rendant en Orient, permet de mieux comprendre les motivations de ce montréalais et l’importance de son legs, autant pour la métropole insulaire que pour l’Égyptologie. Après son retour en automne 1859, James Ferrier offre sa collection de souvenirs égyptiens comprenant plus d’une centaine de pièces exceptionnelles à la Natural History Society of Montreal (N.H.S.M.). Suite à la liquidation de cette dernière, l’imposante collection fut récupérée par le Musée Redpath de l’Université McGill de Montréal, institution qui l’abrite encore aujourd’hui.
Comment et pourquoi J. Ferrier a constitué cette collection? Que nous apprend l’étude de celle-ci sur la conception victorienne de l’Égypte ancienne? Comment peut-on documenter davantage certaines de ces pièces antiques méconnues? Cet article centré sur la portion égyptienne de ce voyage propose grâce à des sources contemporaines insolites de répondre à ces questions selon trois axes. Premièrement, cette étude se penchera sur les motivations encadrant ce périple. Deuxièmement, le trajet suivi par J. Ferrier sera retracé afin de mieux comprendre les dynamiques du voyage ainsi que les modalités de collecte et d’acquisition de ces artefacts. Troisièmement, quelques pièces méconnues seront documentées pour enrichir les connaissances générales disponibles sur la collection Ferrier.
James Ferrier, un Montréalais influent (1800-1880)
La carrière de James Ferrier reflète le tempérament d’une génération d’entrepreneurs qui forgèrent le Montréal victorien et dont les noms marquent encore la toponymie de la métropole[1]. En effet, J. Ferrier incarne l’imaginaire du colon anglophone, le self-made-man, qui réussit par lui-même en s’expatriant : « À 21 ans, il partit au Canada, quand la colonie n’était encore largement qu’une terra incognita et fit preuve d’un esprit de détermination et de résilience personnelle pour affronter les difficultés et les embuches de ce nouveau pays[2] ». En 1821, J. Ferrier quitte son Écosse natale pour tirer profit d’un territoire en pleine expansion économique en s’établissant à Montréal, une ville encore modeste. D’abord quincailler, J. Ferrier s’investit rapidement dans diverses activités économiques lucratives qui feront de lui « l’un des Montréalais les plus riches du milieu du XIXe siècle[3] ». Une fois sa fortune établie, J. Ferrier se lança dans une carrière publique chargée occupant des fonctions politiques municipales, provinciales et fédérales. Il œuvra également dans les domaines philanthropique et scientifique. Il finança et administra notamment deux institutions promises à un grand avenir : le Victoria College de Cobourg (Ontario) et le McGill College (Montréal)[4].
Originellement presbytérien, J. Ferrier se convertit au méthodisme après sa rencontre avec John Torrance. Par la suite, J. Ferrier deviendra le « plus grand défenseur du méthodisme au Canada[5] », en investissant beaucoup d’énergie et d’argent pour la congrégation méthodiste montréalaise. Cette foi omniprésente guida son existence et teinta son expérience proche-orientale, notamment en Palestine[6].
Les motivations du voyage en Orient
Du début du XIXe jusqu’au premier tiers du XXe siècle, le « Grand tour » est une activité très populaire parmi les classes aisées occidentales, désireuses de connaître les trésors de l’Antiquité. Si l’Italie est une destination commune dès la Renaissance, la redécouverte de la Grèce et de l’Orient (Égypte, Liban, Syrie, Turquie) doit attendre le retrait des Ottomans au courant du XIXe siècle. Dans la foulée de l’expédition de Napoléon Bonaparte en Égypte (1798-1801), de nombreux visiteurs, quelques érudits et les premiers égyptologues[7] parcourent les contrées nilotiques en réalisant des ouvrages scientifiques, artistiques ou littéraires qui stimulent les ambitions orientales de riches touristes.
Quand J. Ferrier quitte Montréal pour l’Orient en automne 1858, c’est un homme puissant et riche qui approche de la soixantaine. Quelques années plus tôt, il avait effectué un premier voyage avec ses deux fils ainés James Junior (1823-1902) et George Davies (1827-1876). Ce second voyage lui permet de faire découvrir l’Orient à son épouse Mary Todd Ferrier (1799-1881) et ses deux cadets, Margaret Watson, alors âgée de 27 ans (1832-1909) et le futur révérend Robert W. de 21 ans (1838-1870) (Fig.1)*. Les affaires fleurissantes sont confiées aux trois ainés restant à Montréal, soit James Junior, Georges Davies et Mary (1829-1874), l’épouse d’un puissant commerçant ami de la famille, William Stewart MacFarlane.
Par-delà sa curiosité touristique et l’attrait prestigieux de cette destination encore réservée aux élites, J. Ferrier possède d’autres motivations pour entreprendre ce périple oriental. D’une part, le contexte géopolitique est favorable puisque l’Égypte traverse une période de stabilité relative entre 1850 et 1870 entre deux périodes troublées[8]. Si ce séjour nilotique reste un véritable périple au XIXe siècle, de nombreux sujets britanniques ont déjà précédé ces Canadiens en Égypte, sécurisant le parcours et facilitant les voyages postérieurs. Certains riches voyageurs organisent même des tours en Égypte, auxquels ils convient leurs proches et leurs amis. C’est notamment le cas du docteur James Douglas de Québec[9]. D’autre part, l’importance des sciences grandit pendant l’époque victorienne, principalement pour ses valeurs pédagogiques. Comme beaucoup de ses contemporains aisés, J. Ferrier est attiré par les sciences et est lui-même membre de plusieurs associations scientifiques dont la Natural History Society of Montreal(N.H.S.M.). S’il souhaite mieux comprendre les civilisations anciennes, il ambitionne également de rapporter des pièces antiques authentiques pour le musée de la N.H.S.M. ouvert en 1827. Comme le reconnaissent ses administrateurs[10], la N.H.S.M. souhaite moderniser ses collections vieillissantes avec un matériel de référence et faire taire certaines railleries envers le caractère parfois médiocre de pièces, dignes de Freak show. Ainsi, la crédibilité des institutions montréalaises, en particulier celle de la N.H.S.M. et du McGill College, passe par leur capacité d’acquisition d’un matériel authentique et prestigieux. D’un tempérament fonceur et membre de ces deux institutions, J. Ferrier veut renforcer leur renommée. Enfin, les convictions méthodistes de J. Ferrier motivent aussi son voyage. Dans son journal relatant son périple en Palestine, comme dans les listes établies en 1859, les références bibliques sont nombreuses. Disposer d’artefacts d’une civilisation contemporaine des débuts de la religion judéo-chrétienne conforterait le message dogmatique chrétien. Fervent protestant, pendant son voyage J. Ferrier sera convaincu de côtoyer des monuments construits par les Hébreux et de suivre leurs pas durant l’Exode jusqu’en Palestine[11].
Les sources utilisées
À notre connaissance et contrairement à son périple palestinien relaté dans un journal[12], J. Ferrier n’a laissé aucun document retraçant son séjour en Égypte. Toutefois, à son retour en octobre 1859, deux listes manuscrites furent établies (Fig.2). La première répertorie les 171 pièces antiques ou contemporaines rapportées d’Égypte et de Nubie par J. Ferrier à Montréal, de tailles et de types variés[13]. Une deuxième liste regroupe des copies de cartouches royaux et de scènes rupestres trouvés dans des temples et des tombes réalisées par le jeune fils Ferrier, Robert W[14]. En décembre 1859, lors de la donation officielle de la collection Ferrier à la N.H.S.M., John William Dawson rédigea un premier article scientifique, reprenant les deux listes précédentes agrémentées de quelques commentaires sur les éléments humains momifiés (Tableaux 1-3)[15].
Entre l’introduction des pièces de Ferrier à l’inventaire de la N.H.S.M. en 1859 et la fermeture du musée de la N.H.S.M. pour motifs financiers en 1925, les artefacts de Ferrier furent présentés à un public relativement restreint. Le millier de visiteurs se compose quasi exclusivement des élites montréalaises anglo-protestantes, dont beaucoup sont les membres ou les bienfaiteurs de la N.H.S.M. et/ou de l’Université McGill. Néanmoins, dès les années 1860 la collection égyptienne de Ferrier est la première en importance à Montréal, la deuxième au Québec – et probablement déjà au Canada, derrière l’imposante collection du Dr James Douglas constituée également vers 1860[16]. Durant les décennies suivantes, le musée de la N.H.S.M. et ses membres reçoivent une renommée canadienne indéniable, notamment pour leurs pièces égyptiennes, dont les momies sont les plus attractives. Entre 1882 et 1925, la collection fut transférée par lot dans un nouvel édifice muséal dépendant de l’université McGill, plus moderne et approprié à la mettre en valeur, le musée Redpath. À l’exception de deux fermetures, soit entre 1906 et 1925 et au début de 1970, le musée Redpath a exposé sans interruption la collection Ferrier. Entre-temps, la collection égyptienne du musée Redpath s’est accrue de différentes achats et dons. De ce fait, l’espace alloué pour la collection de Ferrier ne peut contenir que les pièces les plus significatives (momies humaines et animales, oushebtis, papyrus, jarres, etc.) et absentes des autres contributions égyptiennes postérieures.
Si la majorité des pièces rapportées par Ferrier et mentionnées dans ces inventaires de 1859 est toujours accessible pour l’étude, l’identification de certaines pièces reste relativement sommaire et mérite d’être partiellement complétée aujourd’hui. Les standards muséologiques victoriens et les indications succinctes des listes de 1859 ne rendent pas justice aux talents déployés par les conservateurs du musée pour documenter ces pièces. Par ailleurs, les estampes des inscriptions hiéroglyphiques et des décors réalisés par R. W. Ferrier sont absentes des archives du musée Redpath. La comparaison de ces copies aurait pu confirmer l’origine de certaines pièces connexes trouvées sur les lieux d’estampage.
Ainsi, si ces inventaires de 1859 sont primordiaux dans cette étude pour comprendre la logique de la collecte des pièces par J. Ferrier et la volonté réelle derrière ses choix, ils ne permettent pas de retracer fidèlement son parcours en Égypte et les circonstances d’acquisition des pièces. Afin de pallier ce manque informationnel évident, deux témoins du voyage de 1859 ont été identifiés et leur présence assurée par des recoupements documentaires et chronologiques.
Proche de J. Ferrier par sa foi, ses multiples ministères exercés au Québec et ses activités pédagogiques au Victoria College de Cobourg, le révérend méthodiste Lachlan Taylor accompagne J. Ferrier en Orient[17] et laisse deux journaux instructifs mentionnant les Ferrier. Dans le premier portant exclusivement sur l’Égypte[18], il note embarquer à Rosette sur un dahabiah[19] nommé la Gazelle of the Nile le 6 janvier 1859 dans un « groupe constitué de Mr et Mme Ferrier, Miss Ferrier, Mr Robert Ferrier et moi-même »[20]. Si ce journal permet d’assurer que L. Taylor a également constitué une collection d’artefacts, celle-ci, contrairement à celle de J. Ferrier, fut rapidement morcelée après son arrivée au Canada[21].
Dans son premier journal sur l’Égypte, L. Taylor mentionne un second témoin pertinent, le Dr James Douglas (Fig.3). Égyptophile averti officiant au Quebec Lunatic Asylum de Beauport, ce dernier passa pour des motifs médicaux neuf hivers en Orient dont six en Égypte entre 1851 et 1866[22]. L’hiver 1859 est l’un des séjours nilotiques de James Douglas au cours duquel le médecin canadien voyage avec sa famille sur un second navire, parallèlement au groupe composé des Ferrier et de L. Taylor. J. Douglas laissa deux importants legs pour l’Égyptologie en général et pour notre étude en particulier : une impressionnante collection d’au moins 300 pièces antiques, aujourd’hui divisée entre plusieurs musées, dont le Metropolitan Museum de New York (M.E.T.)[23] et un livre photographique réalisé avec son fils à tirage limité en 1862[24], dont certains clichés illustrent cet article. Avec les quelques daguerréotypes réalisés en 1839-1840 par Pierre-Gustave Joly de Lotbinière[25], les clichés des Douglas datant de 1860-1861 sont parmi les premiers réalisés en Égypte par des Canadiens[26].
Ferrier, L. Taylor et J. Douglas sont de fiers représentants de l’élite de la société anglo-saxone victorienne de la province de Québec, partageant une même vision sociale, culturelle et religieuse de leur expérience en Orient. Le séjour égyptien de J. Ferrier, le parcours qu’il suivit ou la collecte d’objets qu’il réalisa sont exemplaires des voyages effectués par les touristes aisés du milieu du XIXe siècle.
Un itinéraire dynamique de la Collection Ferrier
En collectant les informations extraites des inventaires de J. Ferrier et de J.W. Dawson, du journal de L. Taylor et du livre des Douglas, l’itinéraire précis du groupe Ferrier-Taylor[27] peut être retracé (Tableau 4., Carte 1.). Grace à ces sources combinées, des compléments informatifs peuvent être apportés sur les quelques pièces étudiées ici, les motivations de prélèvement de celles-ci et leur transfert vers le Canada.
Ainsi, le groupe Ferrier-Taylor quitte Alexandrie le 28 décembre 1858 pour atteindre Philae, le point le plus méridional de leur périple le 7 février 1859, avant de faire demi-tour vers le nord. Plusieurs étapes intéressent particulièrement notre étude puisqu’elles permettent de cadrer chronologiquement et géographiquement la cueillette de certaines pièces de la collection Ferrier. Ainsi, en chemin le groupe s’arrête à Gizeh (16 et 18 janvier), à Maabdeh (24 janvier), à Edfou (3 février), à Kom Ombo (4 février) et à Philae (7 février). Le groupe séjourne à deux reprises dans la région thébaine en février, soit du 12 au 19 et du 22 au 28. Début mars, le groupe atteint Le Caire pour établir les préparatifs du voyage vers la Palestine de J. Ferrier, sa fille et L. Taylor qui partent le 29. À chaque étape, J. Ferrier récolte des pièces dont il consigne parfois sommairement l’origine pour sa collection. La comparaison de pièces de J. Ferrier avec certaines pièces collectées par L. Taylor et J. Douglas permet d’établir des corrélations quant aux lieux de collecte des artéfacts et les motivations de cette sélection.
L’essentiel du trajet se fait à bord d’un confortable navire, un dahabiah, comme celui acquis par la famille Douglas dans les années 1850 (Fig. 4). Ces embarcations disposent d’un raffinement poussé et d’un équipage nombreux à la hauteur des attentes de leurs passagers. Les transports entre les rives du Nil et les sites visités sont réalisés à dos de mules, de chevaux, de dromadaires ou dans d’élégants carrosses. Plusieurs commentaires de J. Ferrier dans son livre sur le Palestine ou ceux de J. Douglas dans son récit photographique démontrent que ces voyageurs s’attendent à un certain luxe, qu’ils ne trouvent pas toujours au rendez-vous[28]
Quelques pièces sélectionnées
Les résultats préliminaires présentés concernent principalement le matériel inscrit non-présenté dans les vitrines du Musée Redpath et permettent de mieux fixer chronologiquement et géographiquement les différentes pièces étudiées, autant dans leur contexte de production originale que de collecte et de conservation[29].
La pièce RM2642 est un petit fragment hiéroglyphique (13×13 cm) provenant de Kom Ombo selon les listes de 1859 (Fig.5), cassé dans ses parties gauche et inférieure, et portant au dos de nombreuses petites marques d’outil. Cette pièce fut assurément collectée le 4 février 1859, seule mention de ce site dans le journal de L. Taylor, au temple ptolémaïque dédié à Sobek et à Haroeis. La graphie ptolémaïque correspond sans surprise à la période d’activité du temple de Kom Ombo (IIe si. av. J.-C. au IIIe apr. J.-C.). Si R. W. Ferrier y copia une « tête de chouette d’une divinité du temple de Kom Ombos » confirmant ainsi le passage du groupe au temple, en absence de cette estampe, il est difficile d’émettre des corrélations entre cette gravure aviaire manquante et l’origine du fragment RM2642 dans l’espace cultuel. D’après les photographies de Kom Ombo datant du milieu du XIXe siècle, seul le haut des colonnes palmiformes et des murs émergent du sable[30]. Une traduction sommaire du RM2642 conforte une probable formule d’offrande aviaire, par l’addition des signes (r)di (D37) et wšn (G54). Cependant, la valeur incertaine d’un signe craniforme et une lacune textuelle au bas du fragment empêchent la compréhension globale[31].
l1 […] (r)di; | « […] donner […] |
l2 […] wšn tp / ḥr; | l’offrande aviaire sur/ devant […] |
l3 […] s3y | les (deux) talismans » |
A partir de cette traduction et des éléments de localisation proposés, ce fragment proviendrait probablement de la partie haute d’un mur. Ignorant la taille de l’estampe aviaire réalisée par R. W. Ferrier, une supposition mérite d’être émise. La divinité à « tête de chouette » pourrait avoir été originellement associée sur le même mur que le fragment d’offrande aviaire RM2642, ce dernier devant être déjà chancelant pour être décroché facilement.
La liste de 1859 mentionne « six fragments de hiéroglyphes, provenant du temple de Philae, construit vers 1500 av. J.-C. [sic] » et « un fragment de pilier sculpté ». Sur les six fragments hiéroglyphiques précités, seul le fragment RM2643 est disponible actuellement (Fig.6). Ce petit fragment (12×13 cm) fut collecté au temple d’Isis de Philae, le 7 février, seule mention de ce lieu dans le journal de L. Taylor. Si ce fragment est cassé dans sa partie haute et basse, les signes hiéroglyphiques encore présents sont assurément ptolémaïques et correspondent à la période d’activité du temple (IVe si. av. J.-C. au VIe apr. J.-C.). Aisément traductibles, ils concordent avec une incantation dédiée au dieu Khnoum.
l1. […] rwḏ=f, | « […] il prospère |
l2. (r)di nmtt […] Hnmw | (et) donne l’allure […] (de) Khnoum » |
La bordure rectiligne clairement visible sur la gauche du fragment RM2643 permet d’identifier un morceau de frise verticale bordant une scène présentant des divinités. Dans la partie droite juxtaposée à la fine bordure, une série de formes triangulaires ressemble à une chevelure de divinité ou à un filet d’eau. Le dieu créateur Khnoum est figuré avec le sceptre Ouas, symbole de la transmission des pouvoirs divins au pharaon. La présence de Khnoum portant le sceptre Ouas, la formule d’incantation et le style iconographique démontreraient que ce fragment proviendrait du mammisi de Philae. Cette chapelle de naissance située entre les premier et second pylônes de Philae est une structure cultuelle commune à la période ptolémaïque[32] et Khnoum, en qualité de dieu créateur, y figure régulièrement parmi les scènes divines. En hiver 2017, une observation sur le terrain a confirmé d’une part, la présence récurrente de Khnoum et de formules incantatoires dédiées à ce dieu sur les décors extérieurs du mammisi et d’autre part, que de larges portions des décors du mammisi de Philae sont manquantes.
Un second fragment provenant de Philae (RM2446) désigné comme « un fragment de pilier sculpté » par J. Ferrier serait un morceau de corniche ou de colonnade. Si son origine précise à Philae reste incertaine, cette pièce présente quelques couleurs résiduelles (jaune, rouge) ainsi que des marques d’outils sur sa face arrière. Ces marques sont relativement similaires à celles du fragment RM2642 de Kom Ombo laissant supposer que ces deux pièces furent prélevées à l’aide d’un outil commun, possiblement apporté par les visiteurs[33].
Les quatre cartouches copiés par R. W. Ferrier, ceux des Ptolémée V, VI, VIII et XII[34], ne permettent malheureusement pas de circoncire davantage une origine précise des pièces visitées dans le temple puisque ces pharaons lagides furent relativement actifs à Philae.
L’une des plus belles pièces de la collection provient de Deir el-Medineh et fut collectée probablement le 15 février 1859, seule mention de ce lieu dans le journal de L. Taylor. J. Ferrier en rapporta « une fresque peinte d’une tombe en arche de Dayr el-Medeeneh » (Fig.7). Cette petite pièce (RM2629) est un morceau de plafond peint représentant un motif soigné en toile de tente multicolore (rouge, bleu clair, bleu foncé, bleu-vert, blanc, noir) provenant sans conteste d’une tombe de la XVIIIe dynastie. Ce décor particulier et unique correspond à la tombe TT8 de la nécropole thébaine appartenant à Kha et son épouse Merit[35]. Celle-ci fut officiellement découverte intacte par A. Weigall et E. Schiaparelli en 1906 et son contenu est désormais présenté au Musée de Turin. Néanmoins, après une investigation poussée, il s’avère clairement que le fragment RM2629 ne peut provenir que de cette tombe, la seule à présenter ce motif spécifique. L’étude de clichés modernes du plafond de cette tombe confirme que de nombreux prélèvements y ont été réalisés au fil du temps, dont la taille correspond au moins dans un cas au fragment étudié[36]. Ainsi, selon toutes vraisemblances, la tombe fut accessible, au moins pour quelques locaux vers 1859, date vers laquelle un individu non identifié en préleva un morceau qui fut acquis par la suite par les Ferrier.
Le groupe Ferrier-Taylor visite à deux reprises le Memnomium, les 12 et 19 février 1859. Ce monument n’est autre que le temple funéraire de Ramsès II, communément appelé le Ramesseum et situé à Gournah. Le 19 février, L. Taylor écrit ramasser deux briques à Gournah, actuellement conservées par le Royal Ontario Museum de Toronto (R.O.M.)[37]. J. Ferrier rapporta aussi « [d]eux briques sèches provenant de Thèbes portant le cartouche de Ramsès I (le Grand) [sic], 1311 B.C.[38] » Celles-ci furent probablement ramassées le même jour que celles de L. Taylor. La brique RM2711a (Fig. 8) présente un cartouche aisément reconnaissable Ousermaâtrê Setepenrê soit « la justice de Ra est puissante » attribuable à Ramsès II[39]. Si la seconde brique (RM2711b) est brisée en plusieurs fragments, deux estampes sont encore visibles présentant le disque solaire de Rê et le contour extérieur d’un cartouche. Néanmoins, si l’emplacement de la collecte le laisse présumer, aucun signe reconnaissable ne subsiste confirmant assurément un autre cartouche de Ramsès II. La foi pourrait avoir motivé la collecte de ces briques par les Canadiens. En effet, J. Douglas Jr. écrit dans son livre que le Memnomium présente « des briques faites par les Hébreux, qui sont supposés avoir vécu en Basse-Égypte[40] ». Pour de fervents croyants comme L. Taylor et J. Ferrier, ces artefacts présumément manipulés par des Hébreux quelques millénaires plus tôt ne peuvent qu’enrichir leur collection respective. Par ailleurs, R. W. Ferrier copia aussi un cartouche de « Ramsès II, 1311 B.C., d’un temple à Koorneh [Gournah], Thèbes[41] ». Ce temple de Gournah n’est autre que le Ramesseum.
La copie de deux cartouches réalisées par R. W. Ferrier à Karnak, soit celles de Shishak (Shéshonq Ier) probablement prélevée sur le portail bubastite et de Pisham (Psousennès Ier), montre une motivation religieuse. En effet, ces deux pharaons sont contemporains des Hébreux, cités dans l’Ancien testament et valides implicitement par leur simple existence une partie des écrits bibliques[42].
Parmi cinq fragments de granit provenant du temple de Karnak, le RM2443.01 est particulièrement intéressant (Fig. 9). Ce fragment d’une statue en pierre noire présente le ventre, le nombril, une ceinture à cartouche et le haut d’un pagne. La formule d’eulogie et le cartouche inscrit sur la ceinture sont ici encore aisément reconnaissables, correspondant à Amenhotep II : di ʿnḫ ḏt soit « doué de vie (pour) l’éternité », 3’ ḫprw r’ (Âakhéperourê) soit « grandes sont les manifestations de Ra[43] ». L’orientation du pli du pagne sous la ceinture repousse l’hypothèse d’une statue d’adorant à genou, comme celle du Musée de Turin (C1375) où Amenhotep II offre des vases nou à Amon, et correspond davantage à une statue debout. Ce fragment est proche des statues debout d’Amenhotep II conservées au Musée du Caire (JE36860-GC42077) haute de 68 cm ou au Musée d’arts de Boston (23.734) haute de 108cm. La taille du fragment RM2443.01 correspondrait à une statue avoisinant un mètre de haut.
Si ces premières pièces furent visiblement ramassées, voire directement prélevées sur des monuments, concernant les plus grandes pièces telles que les momies et leurs sarcophages, le groupe Ferrier-Taylor dû recourir à un intermédiaire. Durant près d’un demi-siècle, le vice-consul de Thèbes Mustapha Aga Ayat (Fig. 10) su tirer profit de l’arrivée des Occidentaux[44]. Exerçant un quasi-monopole autoritaire sur le recel d’antiquités à Thèbes, le vice-consul est notamment évoqué comme un intermédiaire privilégié dans des termes peu élogieux par J. Douglas[45]. J. Ferrier eut probablement recourt à ses services pour obtenir ses deux momies. Le groupe Ferrier-Taylor resta une quinzaine de jours en février 1859 dans la région thébaine, soit du 12 au 19, puis du 22 au 28. Le 19 février 1859, L. Taylor mentionne rencontrer M. Aga Ayat concernant l’achat de momies. Durant cette période, J. Ferrier s’est procuré plusieurs pièces « provenant de Thèbes » dont deux momies humaines[46], sept membres humains momifiés, sept momies animales, des bijoux, des shabtis et plusieurs statues. Pour sa part, L. Taylor rapporta au moins une momie, conservée aujourd’hui avec son sarcophage au nom de 3n-ḏ3w au R.O.M. J. Douglas rappelle également le rôle de M. Aga Ayat dans ses transactions de momies[47]. L’une d’elles fut celle de Ramsès Ier extirpée de la cachette royale de Deir el-Bahari (TT320), présentée anonymement à Niagara Falls pendant un siècle et demi[48].
Dans sa liste de 1859, J. Ferrier mentionne « quatre crocodiles momifiés provenant de Thèbes ». Pour leur part, L. Taylor s’en procure deux à Maabdeh le 24 janvier et les Douglas au moins un, qui fut acquis en 1890 par le M.E.T.[49] Il est fort probable que les crocodiles de J. Ferrier proviennent vraiment de la région thébaine comme il le mentionne. En effet, si la nécropole saurienne de Maabdeh est connue des touristes et que les momies de crocodiles de toutes tailles s’y trouvent encore[50], d’autres innombrables catacombes animalières avoisinent Thèbes[51]. Dons votifs populaires dans l’Antiquité, les momies animales devaient être relativement faciles à se procurer dans la région thébaine au XIXe siècle. D’autres acquisitions de J. Ferrier pourraient soutenir cette hypothèse. En effet, selon les listes de 1859, il acquiert à Thèbes un faucon (RM2735.01) et deux ibis (RM2727.01-02). L. Taylor s’y procure au moins un chat et un ibis momifiés[52] et les Douglas rapportent au moins quatre ibis et un faucon figurant maintenant à l’inventaire du M.E.T.[53] Toutes ces momies pourraient provenir des catacombes thébaines et avoir transitées par l’intermédiaire de M. Aga Ayat.
Les modalités de collecte et/ou d’acquisition des pièces
Selon les informations recueillies, il apparait que les Ferrier commencèrent tôt leur collecte d’objets égyptiens alors que l’estampage de R.W. Ferrier semble plus tardif dans ce voyage. Dès le 16 janvier, les Ferrier recueillent différents éléments architecturaux et décoratifs à Gizeh et à Saqqarah[54]. Par la suite, ils emportent presque à chaque étape des fragments hiéroglyphiques, statuaires ou géologiques. Par ailleurs, les Ferrier achètent de nombreuses pièces : à Assouan ils récoltent du matériel nubien considéré comme folklorique en Occident et ils acquièrent des pièces anciennes authentiques à Thèbes, notamment des statues, des bijoux et les momies.
Si les pièces remontent le Nil avec le groupe Ferrier-Taylor sur leur navire, leur embarquement depuis Alexandrie jusqu’au Canada reste obscur. En 1993, S. Frost suggéra que J. Ferrier emporta ses artefacts à travers le désert palestinien[55]. Si la caravane du groupe Ferrier-Taylor en Palestine comprenait une trentaine d’individus (dont 7 touristes), 48 dromadaires et 4 chevaux[56], ces montures transportaient les impressionnants bagages du groupe (provisions, armement, équipements de bivouac, etc.) longuement décrit par J. Ferrier dans son journal palestinien, ne laissant aucune place pour la collection égyptienne[57]. Selon toutes vraisemblances, l’encombrante collection dû rester en Égypte avec Mary Ferrier et son fils Robert W. dans l’attente du retour de Palestine de James et Margaret. Ceux-ci ne quittèrent Jérusalem que le 28 avril pour rejoindre Alexandrie[58]. En outre, une lettre de 1948 échangée entre deux héritiers des Ferrier, révèle que J. Ferrier fit parvenir en 1859 par navire au Québec « 8 lots » comprenant l’essentiel de la collection[59].
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Pour conclure, les motivations de collecte de J. Ferrier semblent correspondre à trois aspirations principales. D’une part, comme tout touriste il veut combler un besoin de rapporter des souvenirs de l’Orient. Aucune preuve ne permet de confirmer qu’il a rapporté des pièces de son précédent séjour. D’autre part, il souhaite fournir du matériel scientifique viable pour la N.H.S.M. et les étudiants du McGill College. Une partie de sa crédibilité et celle ces organismes dépendent de lui. Enfin, il entend prouver grâce des artefacts palpables, ses convictions religieuses.
Quatre modalités de collecte de pièces furent identifiées. Globalement, les petites pièces furent ramassées en chemin (échantillons minéraux et végétaux, fragments épars, etc.) dès le début du voyage. D’autres pièces furent prélevées directement sur les sites pharaoniques (copies de cartouches, fragments hiéroglyphiques, morceaux de statues, etc.). Au moins une pièce fut prélevée directement dans la nature puisque que J. Ferrier rapporte à des fins taxidermistes un crocodile tué vers Kom Ombo. Enfin, les pièces plus prestigieuses furent achetées à des intermédiaires (momies, statues, etc.) ou à des indigènes (matériel nubien).
D’après les listes de 1859, les Ferrier collectent au moins 18 pièces avec des inscriptions hiéroglyphiques lithiques[60] dont seulement deux sont actuellement localisés (RM2642, 2643). Si plusieurs petites pièces furent égarées, probablement lors des transferts des collections, les grosses pièces comme les momies moins mobiles, furent très tôt installées en sécurité dans des vitrines et peu déplacées ensuite. Par exemple, dès la fin du XIXe siècle la momie RM2717 et son précieux sarcophage furent placés sous verre et ne furent déplacés qu’à l’occasion des déménagements entre le Musée de la N.H.S.M. et le Musée Redpath. Cette dichotomie conservatoire explique la meilleure connaissance des grosses pièces prestigieuses comparativement aux plus petites pièces dont l’intérêt pouvait sembler anecdotique au XIXe siècle.
Sans prétention d’exhaustivité, cette étude a permis de clarifier le contexte de collecte de plusieurs pièces, ainsi que de sécuriser la datation de ces prélèvements et d’apporter quelques informations complémentaires. Ainsi, si certaines pièces sont relativement communes pour l’Égyptologie comme les fragments inscrits de Kom Ombo ou de Philae, le morceau de plafond de Deir-el-Medineh (RM2629) l’est beaucoup moins. Cet artéfact nous questionne réellement quant à sa provenance et son contexte d’acquisition. Par ailleurs, le fragment statuaire d’Amenhotep II mériterait une étude plus complète, en vue de peut-être trouver ailleurs, des parties complémentaires.
Remerciements
Je tiens à remercier en premier lieu, Barbara Lawson, conservatrice du Département des Cultures du monde au Musée Redpath, pour son aide et ses grandes connaissances, ainsi que Mark Trumpour de la SEEA Toronto; Sonia Léger de l’Université Laval; Heather McNabb du Musée McCord; la Mission archéologique française à Deir el-Medineh (IFAO); la Mission belge de la nécropole thébaine et l’égyptologue Jean Revez de l’Université du Québec À Montréal.
*Pour consulter les annexes, veuillez télécharger le pdf.
[1] Notamment ses contemporains et associés comme J. Molson, J. Redpath, H. Allan, J. Johnston, J. Torrance, W.W. Ogilvie et D. McIntyre.
[2] Bibliothèque de l’Université Laval, Hugh Johnston, Memorial of the Late Hon. Senator Ferrier of Montreal, A Sermon Preached in St. James Street Methodist Church, on Sunday, June 3rd, 1888, 1888, p. 10. Cette citation démontre une vision suffisante de l’élite anglophone envers un territoire considéré comme terra incognita niant autant son héritage autochtone que francophone.
[3]James Ferrier est né le 22 octobre 1800 à Fifeshire (Écosse) et mort le 30 mai 1888 à Montréal. Il s’investit notamment dans les banques, les assurances, les industries, l’exploitation des ressources naturelles et les transports fluviaux et ferroviaires. Gerald J. J. Tulchinsky, « FERRIER, JAMES », Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003. <http://www.biographi.ca/fr/bio/ferrier_james_11F.html> (26 février 2018) ; Claude V. Marsolais, Luc Desrochers et Robert Comeau, Histoire des maires de Montréal, Montréal, VLB éditeur, 1993, p. 38-43.
[4] Le Victoria College, connu aussi comme College Cobourg sera intégré à l’Université Queen de Toronto et le McGill Collegedeviendra l’université éponyme de Montréal. J. Ferrier joua un rôle central dans la constitution de l’Université McGill. Il sera membre du McGill College de 1845 à 1888, puis directeur de l’Institution royale pour l’avancement des sciences (entité juridique de l’Université créée dès 1801) de 1845 à 1852. Partisan des Torries, aux élections municipales, J. Ferrier a obtenu ce poste alors hautement politique suite à son échec sur la scène politique montréalaise en 1845-1846. Il sera également nommé chancelier de l’Université de 1884 à 1888. Marsolais, Desrochers et Comeau, Ibid., p. 40 ; Tulchinsky, loc. cit.
[5] Marsolais, Desrochers et Comeau, Ibid., p. 41.
[6] Pour J. Ferrier, « sa foi fut sa force profonde, le pilier assurant son intégrité » basant « son existence sur ses solides principes chrétiens », Johnston, op. cit., p. 12.
[7] Parmi les plus célèbres figurent William Makepeace Thackeray (M.A. Titmarsh), Notes of a Journey from Cornhill to Grand Cairo, 1846 ; Howard Crosby, Lands of the Moslem: A Narrative of Oriental Travel, 1851 ; Sir J. G. Wilkinson, Topography of Thebes, and General View of Egypt Being a Short Account of the Principal Objects, 1835 ; Sir J. G. Wilkinson et J. Murray, Hand-Book for Travellers in Egypt, 1847. J. Douglas Jr mentionne le premier ouvrage de Sir J. G. Wilkinson dans son propre ouvrage : James Douglas Sr & James Douglas Jr, Photographic Views Taken in Egypt and Nubia, 1862, p. XI.
[8] La période de 1850-1870 est encadrée par deux périodes difficiles. D’une part, elle est précédée par des conflits entre les puissances européennes (guerres napoléoniennes, 1793-1815) et les conflits entre l’Égypte et les Ottomans (1833, 1839-1841). D’autre part, elle est suivie par une crise économique, consécutive au percement du Canal de Suez (1874-1882) et par l’intervention britannique se transformant en occupation militaire (1882-1914) et en protectorat (1914-1956).
[9] Mark Trumpour, « Canadians Collect Ancient Egypt : Captains, the Curious and a Famous Scoundrel », Communication au colloque de la SEEA, Toronto, 2015. <http://www.academia.edu/25235295/Canadians_Collect_Ancient_Egypt_Captains_the_Curious_and_a_Famous_Scoundrel> (26 février 2018).
[10] Hervé Gagnon, « The Natural History Society of Montreal’s Museum and the Socio-Economic Significance of Museums in 19th-Century Canada », Scientia Canadensis, vol. 18, n° 2, 1994, p. 106-114. À noter que J. Ferrier fut trésorier de la N.H.S.M. et J. W. Dawson en fut président.
[11] Voir la ligne 26 du Tableau 1, mentionnant notamment « un cartouche de Thoutmosis III, le pharaon du temps de Moise ». La baignade dans le Jourdain ou l’arrivée à Jérusalem décrites dans Notes of a Tour from Cairo in Egypt Through the Desert, Palestine and Syria by Hon. James Ferrier in 1859 figurent parmi les scènes religieusement connotées. Travers idéologiques du moment, les jugements envers les Musulmans ou les Coptes sont nombreux dans les lignes de J. Ferrier, de L. Taylor ou de J. Douglas.
[12] Archives des Collections du Monde, Musée Redpath, Université McGill, Notes of a Tour from Cairo in Egypt Through the Desert, Palestine and Syria by Hon. James Ferrier in 1859, 80 p. Ce journal sur la Palestine ne confirme que les dates de départ (29 mars) et de retour (mai) en Égypte sans davantage de précision sur le périple nilotique de J. Ferrier.
[13] Archives des Collections du Monde, Musée Redpath, Université McGill, List of the Egyptian Curiosities Recently Brought to this City by the Hon. James Ferrier, and Presented by Him to the Natural History Society, september 1859.
[14] Archives des Collections du Monde, Musée Redpath, Université McGill, List of a Collection of Impressions Taken from the Temple and Tombs of Egypt by J. Ferrier, september1859.
[15] J. W. Dawson, « Notes on Egyptian Antiquities Presented to the Natural History Society by HON. Mr. Ferrier, by a Committee of the Society », The Canadian Naturalist and Geologist, vol. 14, n° 6, 1859, Art. XXX, p. 401-407.
[16] Aujourd’hui, le Musée Redpath possède la deuxième collection égyptienne en importance au Canada derrière le ROM de Toronto. La majorité de la collection du Dr James Douglas se trouve désormais au MET de New-York.
[17] L’orthographe de Lachlan Taylor varie selon les sources : Lachlan, Lachlin, Lockhlan, Loughlan. N. Semple, Faithful Intellect : Samuel S. Nelles and Victoria University, Montréal – Toronto, McGill-Queen’s University Press, 2005, p. 93-94 ; Canadian Methodist Ministers 1800-1925, <URL : http://freepages.genealogy.rootsweb.ancestry.com/~methodists/s-v.htm> (26 février 2018).
[18] L. Taylor, The diaries of the Rev. Dr. Lacklan Taylor, United Church of Canada Archives, First Diarie : Egypt. Accession No.86.189c : Box1, number 5 (Egypt). Toutes les dates mentionnées par L. Taylor proviennent de ce journal d’Égypte rédigé quotidiennement.
[19] Navire luxueux typique utilisé par les touristes occidentaux pour descendre le Nil.
[20] J. Ferrier écrira dans son journal le 28 mars concernant son départ vers la Palestine « Nous étions sept dans notre groupe : le Rev. Dr Taylor, un Rev. de la Church of England avec son fils, deux gentlemen, moi-même et ma fille ». Archives des Collections du Monde, Musée Redpath, Université McGill, Notes of a Tour from Cairo, in Egypt Through the Desert, Palestine and Syria by the Hon. James Ferrier in 1859, p. 3.
[21] Un article paru dans le journal du Victoria College en 1878 mentionne « un chat momifié, un sarcophage contenant une momie, des reliques de momies, un ibis provenant de Thèbes, une bouteille en forme de larme, de la farine, des dattes et des colliers provenant des mêmes ruines ». Archives Université de Toronto. Actuellement, quelques pièces peuvent encore être retracées : la momie et le sarcophage de 3n-ḏ3w, deux briques portant un cartouche de Ramsès II (937×61) et une jarre bleue (912.35.1) sont conservés au Royal Ontario Museum.
[22] James Douglas Jr, Journal and Reminiscences of James Douglas M.D. by His Son, 1910, p. 179-191 ; H.H. Langton, James Douglas Jr, A Memoir, 1940, p. 15-29, 43-45 ; Sylvio LeBlond, « Le Dr James Douglas, de Québec, remonte le Nil en 1860-61 », Les Cahiers des dix, vol. 42, 1979, p. 106-122.
[23] Au moins 112 pièces associées au nom de James Douglas comme donateur et dont l’acquisition date de 1890 sont mentionnées par le moteur de recherche du MET (Archives Metropolitan Museum of New-York). Par ailleurs, une recherche réalisée auprès du MET en 2007 indique que 310 pièces furent acquises auprès des Douglas entre 1884 et 1890, soit avant la création du Département d’art égyptien. Correspondance privée, courtoisie de M. Trumpour. Par ailleurs, deux têtes momifiées furent offertes par J. Douglas au Séminaire de Québec. Rita Désy-Proulx, « Nen-Oun-Ef, la momie du séminaire », Continuité, vol. 49, 1991, p. 16–18.
[24] James Douglas Sr et James Douglas Jr, Photographic Views Taken in Egypt and Nubia (1861-1862), 1862. Réalisé sur demande privée, seulement cinq exemplaires sont connus dont la composition diffère légèrement. L’un présenté ici : Bibliothèque de l’Université Laval, Québec, DT 47 D 734 1862. Pour une étude plus poussée de ces documents, voir Jennifer Graham, Photographic Views Taken in Egypt and Nubia by James Douglas, M.D. and James Douglas Jr, Mémoire de maîtrise, Université de Guelph, Ontario, 2012.
[25] Immigré au Canada en 1827, devenu seigneur de De Lotbinière près de Québec, l’homme d’affaire Pierre-Gustave Joly (1798-1865) est né en France. En 1839, il acquiert un appareil photographique daguerréotype pour immortaliser son prochain périple oriental. En compagnie d’Horace Vernet et de Frédéric Goupil-Fesquet, Joly de Lotbinière réalisa les premières photographies de la Grèce antique et de l’Égypte pharaonique durant un séjour hivernal (1839-1840). Andrée Héroux, « Pierre-Gustave Joly, seigneur de Lotbinière », Cap-aux-Diamants, vol. 3, n° 3, 1987, p. 9–11 ; Jacques Desautels, Georges Aubin et Renée Blanchet, Voyage en Orient (1839-1840). Journal d’un voyageur curieux du monde et d’un pionnier de la daguerréotypie, Québec, Presses de l’Université Laval, 2011.
[26] Parallèlement aux séjours égyptiens des Douglas, des voyageurs européens ont également réalisés des photographies dont la postérité dépassa celle des Canadiens, notamment celles de Maxime DuCamp (1849-1852), de John Beasley Greene (1854), de Francis Firth (1856-1858), Robert Murray (1858).
[27] Sans information sur le séjour égyptien de 1859 de J. Douglas, le terme « groupe Ferrier-Taylor » sera privilégié pour refléter les sources disponibles au terme « groupe Ferrier-Taylor-Douglas ».
[28] Ces deux extraits permettent d’apprécier les commentaires de ces derniers. « Here [ Heliopolis ] let me say that our tents were very comfortable. We had a carpet spread bedsteads, a table with seats for each, and candles to read and write with at night. », J. Ferrier, op. cit., p. 4 ; « A few years ago, travelling in Upper Egypt was not only uncomfortable but dangerous. Nothing could be obtained but a ordinary Arab carrying boat called a canija, and in this, which contained the crew, and an escort of soldiers, the travellers got up the Nile, which an accompaniment of fleas, flies, bugs, rats, dirt, noises of all kinds, and a horrible compoud of villainous smells », J. Douglas, op. cit., p. 2.
[29] Les shabtis furent étudiés séparément par David Berg, unpublished catalogue descriptions and translations of shabtis, Redpath Museum, McGill University, World Cultures database, 1990.
[30] D’après les photographies réalisées par différents voyageurs dont Francis Firth, le temple est ensablé pour la majorité du XIXesiècle.
[31] Ce signe correspond pour la période ptolémaïque à douze traductions possibles : i, ḥ, tp, ḏmt, ʿp, hn, ḥr, tpy, k, ʿnḫ, s, ḏ3ḏ3. François Daumas (ed.), Valeurs phonétiques des signes hiéroglyphiques d’époque gréco-romaine, Université de Montpelier, 1988-1995, p. 143.
[32] Eleni Vassilika, Ptolemaic Philae, Louvain, Peeters Publishers, 1989, p. 57-62 ; Ivan Guermeur, « A propos de l’épigraphie ptolémaïque. L’exemple du mammisi de Philae », Égypte, Afrique & Orient, 2008, p. 15-22 ; Holger Kockelmann, « Mammisi (Birth House) », dans Wendrich Willeke (ed.), UCLA Encyclopedia of Egyptology, Los Angeles, UCLA Press, 2011, p. 1-7.
[33] Une comparaison avec un matériel similaire provenant des pièces de J. Douglas ou de L. Taylor pourraient démontrer l’usage d’un même outil par tout le groupe supposant alors une concertation voire une préméditation dans le prélèvement de ces pièces.
[34] Selon la liste d’inscriptions de 1859, ligne 13 « Ptolémée l’ainé » (Ptolémée XII), ligne 16 « Physcon » (Ptolémée VIII), ligne 17 « Ptolémée Philopator » (Ptolémée VI) et ligne 18 « Ptolémée Epiphanes » (Ptolémée V).
[35] En qualité d’architecte, Kha fut un personnage central de la nécropole royale sous les règnes d’Amenhotep II (c.1428-1401), de Touthmosis IV (c.1401-1391) et d’Amenhotep III (c.1391-1352). Éloignée de sa chapelle funéraire, la tombe de Kha particulièrement riche fut préservée des pillards.
[36] Institut Français d’Archéologie Orientale (IFAO), clichés de J. Fr. Gout, DI_2007_00290 et NB_1974_00619. <URL : www.ifao.egnet.net> (26 février 2018) ; Mission Archéologique dans la Nécropole Thébaine (MANT) et répertoire des peintres et peinture dans la Nécropole Thébaine sous la XVIIIe dynastie.
[37] La brique exposée par le R.O.M. est inventoriée #937×61, l’autre est conservée par le Département d’éducation du R.O.M. Archives du Royal Ontario Museum.
[38] J. Ferrier repris par J.W. Dawson écrit « Ramsès I (dit) le Grand », ligne 33 de la liste de 1859.
[39] L’identification de ces briques à Ramsès II fut déjà mentionnée sans néanmoins être publiée. Redpath Museum, McGill University, World Cultures database, unpublished catalogue data.
[40] Cette idée est communément admise à cette époque. Douglas, op. cit., p. 22.
[41] La ligne 4 de la liste des inscriptions de 1859.
[42] Shéshonq Ier (Shishak) est cité dans l’Ancien Testament (1R3 :1, 1R7 :8, 1R9 :16, 1R11 :40, 1R14 :22-26, 2Ch12 :2-9). Psousennès Ier (Pisham) est contemporain des rois d’Israël Saul et David.
[43] L’attribution de ce cartouche à Amenhotep II fut déjà proposée sans toutefois être publiée. Redpath Museum, McGill University, World Cultures database, unpublished catalogue data.
[44] Trumpour, Loc. Cit., p. 12-14.
[45] Douglas, Op. Cit., p. 33-34.
[46] Actuellement, le Musée Redpath conserve trois momies humaines, dont les deux premières furent rapportées par J. Ferrier en 1859. RM 2717 est la momie d’une femme âgée d’une cinquantaine d’années de la période romaine. RM 2718 est la momie d’un homme d’environ 25 ans de la période ptolémaïque. Une troisième momie (RM2720), celle d’une femme d’une vingtaine d’années de la période ptolémaïque, fut acquise vers 1880 et offerte par Sir Thomas Roddick en mai 1895 à la N.H.S.M. Archives des Collections du Monde, Musée Redpath, Université McGill. Concernant ces momies voir Andrew Wade (dir.), «Scenes from the Past: Multidetector CT of Egyptian Mummies of the Redpath Museum », RSNA RadioGraphics, vol. 32, n° 4, 2012, p. 1235-1250 ; Victoria Lywood, <URL : http://www.victorialywood.com/The_Mummies.html> (26 février 2018) ; Isabelle Burgun, «Trois momies à visages découverts», Sciencepresse.ca (revue en ligne), 1er février 2013, <URL : http://www.sciencepresse.qc.ca/actualite/2013/02/01/trois-momies-visages-decouverts> (26 février 2018) ; Loïc Lefebvre, « La momie de Thèbes au musée Redpath », Conserveries mémorielles, 2016, <URL : http://cm.revues.org/2372> (26 février 2018) ; Barbara Lawson, « Egyptian Mummies at the Redpath Museum : Unrvelling the History of McGill University’s Collection », Fontanus, V, 14, 2016, p. 1-45.
[47] J. Douglas obtient notamment par l’intermédiaire de Mustapha Aga Ayat une momie dans un double sarcophage pour le compte de Mr Barnett de Niagara Falls pour 7 pounds. Douglas, op. cit., p. 33-34.
[48] Gayle Gibson du Royal Ontario Museum et membre de la SEEA présuma dès les années 1990 que la momie du Musée de Niagara était celle de Ramses Ier. Hillary Mayell, « U.S. Museum to Return Ramses I Mummy to Egypt », National Geographic News, 2003.
[49] C’est la pièce 90.6.115. Archives Metropolitan Museum of New-York.
[50] Une belle description des grottes est réalisée par les Douglas. Douglas, op. cit., p. 11.
[51] La carte sélective et la liste non exhaustive de S. Ikram recense 83 nécropoles, dont 26 comportent des crocodiles momifiés et 33 des ibis. Si une nécropole spécifique au faucon existe, 32 sont réservés plus généralement aux rapaces. S. Ikram (dir.), Divine Creatures, Animal Mummies in Ancient Egypt, Le Caire – New-York, AUC Press, 2015, p. xvii-xx, 44-71 et 120-163.
[52] L’article de 1878 du journal du Victoria College mentionne encore « un chat momifié (…) un ibis provenant de Thèbes » (Archives Université de Toronto).
[53] Soit les pièces 90.6.104, 90.6.105, 90.6.109, 90.6.297 (ibis) et 90.6.107 (faucon), Archives Metropolitan Museum of New-York.
[54] Une prochaine étude s’intéressera à ces autres éléments non-inscrits et non présentés au public.
[55] Stanley Frost, « With Ferrier in the Desert, Unusual Adventures of a Stard McGill Chancellor », Old McGill Journal, hiver 1993, p. 6-7.
[56] Archives des Collections du Monde, Musée Redpath, Université McGill, Notes of a Tour from Cairo in Egypt Through the Desert, Palestine and Syria by Hon. James Ferrier in 1859, p. 5.
[57] Ibid. p. 3-5.
[58] Id. p. 40.
[59] Cette correspondance fut échangée entre William W. Judd et sa grand-tante Emily Ferrier Dixon. M. Judd rencontra l’ancienne conservatrice, Joan Kaylor, lors d’une visite au musée en 1982 sur les traces de son illustre ancêtre (Archives des Collections du Monde, Musée Redpath, Université McGill).
[60] Selon la liste de Ferrier, six pièces furent collectées à Karnak, une à Edfou, une à Kom Ombo, six à Philae, quatre dans la tombe de Petamunap. Archives des Collections du Monde, Musée Redpath, Université McGill.