Redéfinir la relation avec le territoire en contexte de célébration : les journalistes et le centenaire de la Confédération

CAROLINE BLAIS
Université du Québec à Montréal

Résumé
Cet article étudie les représentations symboliques et identitaires du territoire véhiculées par les journalistes canadiens et québécois lors du Centenaire de la Confédération canadienne et de l’Expo 67. Par le biais de l’analyse de chroniques et d’éditoriaux de journaux canadiens, nous cherchons à mieux comprendre les transformations identitaires qui affectaient le Canada et le Québec lors des années 1960. Nous démontrons, ainsi, que les journalistes canadiens-français ont entamé une transition identitaire qui va les amener à s’identifier à leur territoire provincial. Nous montrons également que les journalistes anglo-canadiens véhiculent de multiples appartenances identitaires qui varient en fonction des balises territoriales invoquées. Pour terminer, nous abordons les façons dont les caractéristiques matérielles et immatérielles du territoire - la nordicité, l’immensité territoriale et les ressources naturelles – sont employées pour distinguer les Canadiens.

Mots-clés

Plan

  1. La frontière entre le « nous » et l’« autre » chez les journalistes québécois : une transition identitaire déjà entamée
  2. La frontière entre le « nous » et l’« autre » chez les journalistes francophones hors Québec : début d’identification au territoire
  3. La frontière entre le « nous » et l’« autre » chez les journalistes anglophones : les multiples identités des Anglo-Canadiens
  4. Un vaste territoire nordique : un défi formateur
  5. Le territoire, une source de richesse

En 1967, la Confédération canadienne célèbre ses cent ans. Plusieurs activités sont organisées pour fêter cet anniversaire, dont l’Expo 67. Ces célébrations ont lieu au cours d’une décennie marquée par des transformations identitaires autant au Canada qu’au Québec. Cette période voit l’éclatement de la référence identitaire commune à la francophonie canadienne; les Anglo-Canadiens, quant à eux, troquent leur identité basée sur la culture britannique, au profit d’une approche  qui met en valeur la diversité culturelle du pays[1]. Le Centenaire est une occasion en or d’illustrer ces transformations identitaires et de diffuser des représentations de la nation[2].

L’analyse des représentations symboliques et identitaires est essentielle pour comprendre la nature des changements qui affectent le Canada dans les années 1960, car elle contribue à éclairer le phénomène de mutation de l’identité canadienne et québécoise de cette époque[3]. Le Centenaire de la Confédération et l’Expo 67 sont des événements tout désignés pour étudier ces représentations. En effet, les célébrations permettent de mettre en évidence ces constructions sociales symboliques dont l’objectif est d’influencer le récit national ou la définition de la nation offerte à la population.

Dans cet article, nous examinons les représentations symboliques et identitaires du territoire que véhiculent les journalistes québécois et canadiens dans leurs chroniques et éditoriaux lors des célébrations de 1967. Nous explorons aussi les variations que celles-ci peuvent avoir en fonction de l’origine ethnique et de l’origine géographique des journalistes. Les Canadiens de cette époque se fient majoritairement aux journaux pour avoir de l’information sur la politique canadienne[4]. Par conséquent, les opinions que les chroniqueurs et les éditorialistes ont du Centenaire et de l’Expo pourraient avoir un impact sur le développement de l’opinion et des référents identitaires des Canadiens. Malgré cela, il est possible qu’il y ait un décalage entre les représentations véhiculées par les journalistes et celles partagées par la population plus large. Les journalistes ne sont pas des citoyens ordinaires, ils en savent plus et se préoccupent davantage du politique que la plupart de leurs concitoyens[5]. Leurs propos circulent largement dans la société, néanmoins les journalistes constituent un groupe minoritaire qui ne représente pas l’ensemble de leur collectivité. De plus, ils ne sont pas les seuls à aborder ce sujet et d’autres acteurs historiques peuvent aussi avoir un impact dans cette discussion[6]. Il s’agit là des limites à notre analyse.

Dans cet article, nous procédons à une analyse qualitative des chroniques et des éditoriaux d’une sélection de journaux canadiens dont l’origine linguistique et géographique variable permet d’avoir accès à une diversité de représentations[7]. L’examen de ces textes est fait sur une période de quelques jours avant et après les événements les plus saillants du Centenaire de la Confédération et de l’Expo 67[8]. Cette démarche nous permettra de contribuer à plusieurs débats historiographiques, dont celui portant sur les causes de l’éclatement du Canada français lors des années 1960[9]. Les historiens empruntent ce terme pour désigner le phénomène au cours duquel la solidarité et l’identité commune aux collectivités francophones du Canada se sont détériorées au profit d’identités régionales ou provinciales.  À l’exception des travaux de Michel Bock portant sur la presse franco-ontarienne, peu d’historiens se sont penchés sur cette question en analysant le point de vue de la presse[10]. De plus, notre approche de cette question à travers l’analyse de célébrations est originale, car aucun historien n’aborde l’éclatement du Canada français sous cet angle. Malgré les divergences d’opinions, les historiens s’accordent pour dire que les États généraux du Canada français, série d’assemblées ayant eu lieu entre 1966 et 1969 au cours de laquelle les représentants des communautés francophones du Canada se rassemblent, sont la manifestation d’une rupture déjà existante[11]. Plus particulièrement, ce sont les États généraux de novembre 1967 qui sont perçus comme le moment qui marque l’éclatement du Canada français. À travers l’analyse des représentations dans la presse, nous sommes en mesure de contribuer à cette discussion en mettant en lumière l’effritement des liens unissant les communautés franco-canadiennes avant les États généraux de novembre 1967.

Notre recherche permettra également d’enrichir l’historiographie portant sur le Centenaire et l’Expo 67, car ces deux événements sont très peu abordés de concert[12]. Seul Robert Aird aborde les représentations véhiculées par les journalistes dans le cadre de ces festivités, mais il se concentre uniquement sur l’identité québécoise dans les caricatures[13]. Notre article est donc doublement pertinent : il permet de pallier cette absence dans l’historiographie et de démontrer l’importance de ces célébrations dans le développement identitaire du Canada et du Québec. Par conséquent, nous analysons à la fois les référents identitaires véhiculés par les journalistes anglo-canadiens et canadiens-français lors de l’anniversaire de la Confédération et de l’Exposition de Montréal. Le territoire est un thème important qui permet aux Canadiens de se distinguer depuis la fondation du Canada en 1867[14]. L’historiographie souligne également son ascendance dans la définition du « nous » canadien et québécois au cours de la décennie étudiée[15]. C’est pour ces raisons que nous analysons plus particulièrement les représentations symboliques et identitaires du territoire.

Pour procéder à notre analyse, nous utilisons le concept de représentations symboliques et identitaires. Celles-ci sont socialement construites et se caractérisent par des croyances, des valeurs, des attitudes, des images ou des symboles qu’attribue une personne ou un groupe à une réalité donnée[16]. Ainsi, elles nous informent et nous renseignent sur les composantes de l’identité véhiculé par les acteurs historiques étudiés. Les représentations voyagent à l’intérieur de la société grâce aux réseaux de communication et fluctuent avec le temps. Elles peuvent entrer en conflit avec celles d’autres groupes sociaux[17]. Dans cet article, nous portons une attention particulière aux occurrences où ces conflits de représentations, ces fractures symboliques, voient le jour. Nous incluons à notre analyse le concept « d’usages du passé » qui renvoie à des pratiques d’instrumentalisation des représentations d’un passé afin de les faire intervenir dans des enjeux ou des débats actuels[18]. Ce concept nous permet de nous questionner sur la manière dont certains éléments de l’histoire canadienne ont pu être manipulés par des journalistes pour faire la promotion d’une position politique ou d’un projet national.

Ce dernier concept sera très utile, car les journaux ne sont pas des plateformes neutres. Les équipes éditoriales sont généralement en mesure d’influencer les orientations du journal qu’ils dirigent. Par conséquent, il est possible que nos sources défendent parfois certains intérêts ou causes. Par exemple, les quotidiens d’Halifax, dont le Chronicle Herald, sont réputés pour leurs écrits qui se portent à la défense des intérêts de la Nouvelle-Écosse et de la monarchie canadienne[19]. Ce n’est pas le seul journal à l’étude qui défend des intérêts régionaux ou provinciaux[20]. Néanmoins, il est plus commun pour les éditorialistes d’appuyer des causes sociales ou d’avoir des orientations politiques[21]

Cet article démontre que plusieurs éditorialistes ou chroniqueurs franco-canadiens ont entamé une transition identitaire qui va, avec le temps, les amener à s’identifier à leur territoire provincial. Leurs confrères anglo-canadiens, quant à eux, ont de multiples appartenances identitaires qui varient en fonction du cadre territoriale invoquée. De plus, les journalistes utilisent la nordicité et l’immensité territoriale du pays pour caractériser le « nous » canadien. La première et la seconde partie de cet article étudient les limites sociogéographiques implicites aux vocables identitaires des communautés francophones, d’abord au Québec puis hors Québec, tandis que la troisième partie examine ces mêmes frontières chez les communautés anglophones. La quatrième partie aborde les représentations qui emploient la nordicité et l’immensité territoriales pour représenter les Canadiens. La dernière section se penche quant à elle sur celles qui utilisent les ressources naturelles pour définir le pays.

1. La frontière entre le « nous » et l’« autre » chez les journalistes québécois : une transition identitaire déjà entamée

Dans cette section, nous démontrons que les Québécois ont entamé une transition identitaire qui va les amener à s’identifier à leur territoire provincial. Pour une majorité de journalistes de la Belle Province, les balises territoriales rattachées au référent « Canadien français » se sont resserrées sur le Québec. L’analyse des limites du « nous » et de « l’autre » chez ces journalistes lors du Centenaire et de l’Expo permet d’apporter de nouveaux éléments au débat historiographique portant sur l’éclatement du Canada français au cours des années 1960. Cette étude permet de cerner le point de vue d’une frange peu étudiée de la population et offre de nouveaux repères dans l’évolution identitaire des communautés canadiennes-françaises[22]. Nous commençons par aborder brièvement la question des limites de la nation, car c’est la toile de fond sur laquelle la frontière entre le « nous » et l’« autre » est tracée[23]. Par la suite, nous analysons le « nous » véhiculé par les journalistes québécois.    

 Les représentations véhiculées par les journalistes canadiens-français comme anglais peuvent être catégorisées en fonction de deux visions distinctes du Canada : certains le représentent symboliquement comme étant une nation unifiée, tandis que d’autres le dépeignent comme un pays comprenant deux nations en son sein. Les journalistes pour qui le Canada est composé de deux nations sont tous d’origine canadienne-française[24]. La majorité des journalistes anglophones représentent le Canada comme étant une seule nation[25]. Par conséquent, il y a une fracture symbolique entre francophones et anglophones, qui s’explique par les définitions divergentes que prend ce mot dans chaque langue. En anglais, le mot « nation » fait référence à un État souverain, à une entité juridique regroupant parfois des gens de différentes cultures[26]. Tandis qu’en français, ce mot renvoie à un groupe d’individus ayant la même langue, la même affiliation culturelle et les mêmes traditions[27].

Les journalistes ne sont pas impartiaux[28]; il y a des implications politiques importantes à la promotion dans leurs écrits d’une ou l’autre de ces représentations de la nation. Par exemple, le fait de présenter le Canada comme étant composé de deux nations permet aux Canadiens français de revendiquer plus de pouvoir au sein du pays et de donner un poids plus grand à la théorie des deux peuples fondateurs[29]. À l’inverse, percevoir le Canada comme étant une seule nation permet d’appuyer la centralisation des pouvoirs au niveau fédéral.  Les journalistes, à l’instar de plusieurs personnalités publiques ou de groupes sociaux, défendent parfois les intérêts de leur propre communauté ou leur idéologie personnelle lors de leurs participations au Centenaire[30].

L’analyse des limites de la nation permet de souligner l’importance de la culture dans la définition de l’altérité pour les journalistes francophones. Toutefois, l’examen approfondi des éditoriaux et des chroniques révèle la mouvance des balises territoriales associées au vocable identitaire « canadien-français ». Pour une majorité de journalistes québécois, les balises territoriales rattachées au référent « Canadien français » se sont resserrées sur le Québec. De plus, certains d’entre eux expriment des idées qui relèvent du nouveau nationalisme québécois territorial et revendicateur. Cela démontre que les journalistes de la Belle Province ont entamé leur transition identitaire qui va, au final, les amener à s’identifier complètement à leur territoire provincial[31].

Sylvio St-Amantdu Nouvelliste utilise alternativement un « nous » qui fait référence aux Canadiens français et un « nous » qui renvoie à l’appellation de Québécois. Dans un même éditorial, ce journaliste superpose ces deux référents lorsqu’il affirme que le Québec a relevé le défi que constitue l’Expo 67 :

Les Canadiens français s’apprètent [sic] à célébrer leur fête nationale, la Saint-Jean-Baptiste. […] Notre fête nationale doit être l’occasion de manifester notre joie et notre légitime fierté mais elle doit aussi et surtout nous inciter à réfléchir, à faire le point. […] L’Expo ’67 prouve aujourd’hui que les Québécois sont capables d’audace et d’imagination. Cette grande réalisation contribuera très certainement à faire disparaître ce complexe d’infériorité qui nous était collé à la peau depuis la conquête.[32]

L’utilisation conjointe de ces deux « nous » signifie que ce journaliste perçoit les Québécois comme faisant partie du groupe canadien-français, mais qu’ils forment également leur propre communauté distincte des autres Canadiens français. St-Amant du Nouvelliste commence à s’identifier au territoire du Québec. Toutefois, la transition identitaire de ce dernier est seulement entamée et non complétée, car il ne semble pas y avoir eu de rupture avec le vocable « Canadien français »[33].

Au Devoir, Claude Ryan utilise majoritairement l’identifiant de « Canadien français », mais il le met en relation avec le territoire du Québec[34]. La représentation spatiale associée au groupe canadien-français s’est resserrée sur le Québec. Bien qu’il utilise le vocable identitaire « Canadien français », la mouvance des balises territoriales démontre les prémices d’une transition identitaire. De son côté, l’éditorialiste du Soleil considère que les Québécois sont des Canadiens français et il ne les perçoit pas comme un groupe particulièrement distinct. Il est le seul journaliste québécois qui emploie un « nous » canadien-français mit en relation avec le territoire du Canada[35]

Toutefois, cet éditorialiste du Soleil, ainsi que Roger Champoux de La Presse et Richard Arès au Devoir, partagent une idée qui indique l’amorce d’une transition identitaire. Ils affirment que le premier ministre du Québec, Daniel Johnson, est le « chef de leur groupe ethnique »[36]. Puisqu’ils emploient un « nous » canadien-français dans ces articles, cela signifie qu’ils désignent le premier ministre québécois comme le dirigeant de cette communauté[37]. Ces journalistes assimilent les décisions de ce gouvernement à celles du Canada français et reconnaissent en même temps l’importance des leviers économiques, sociaux et politiques qu’offre le gouvernement provincial québécois[38]. Cette manière de représenter ces institutions provinciales est caractéristique du nouveau nationalisme québécois, qui gagne de plus en plus d’adhérents dans les années 1960 en redéfinissant l’identité en fonction de l’État québécois[39]. La promotion de cette conception du rôle de l’État par ces journalistes tend à confirmer l’influence du néonationalisme sur l’évolution identitaire de la collectivité franco-canadienne[40].

L’analyse des frontières entre le « nous » et l’« autre » au Québec montre qu’il y a un détachement vis-à-vis du vocable identitaire « Canadien français ». C’est surtout la mouvance des balises territoriales rattachées à cet identifiant chez une majorité de journalistes et la présence d’idée provenant du néonationalisme québécois dans le discours des éditorialistes et chroniqueurs de la Belle Province qui permettent de soutenir que les Québécois sont en transition identitaire lors du Centenaire.

2. La frontière entre le « nous » et l’« autre » chez les journalistes francophones hors Québec : début d’identification au territoire

Dans cette section, nous analysons les limites entre le « nous » et l’« autre » chez les communautés francophones hors Québec. Cet examen offre des éléments qui permettent de procéder à une brève comparaison entre l’évolution identitaire de ces derniers et les habitants de la Belle Province. Nous démontrons que, tout comme les Québécois, les journalistes francophones hors Québec utilisent un « nous » canadiens-français et un « nous » qui les identifie à leur province. Ainsi, ils ont également entamé leur transition identitaire. Toutefois, dans les pages de l’Évangéline et du Droit, cette transition se manifeste également par la désignation des Québécois comme des « autres ».

Dans Le Droit, on peut trouver un exemple évocateur d’identification au territoire provincial dans la chronique de Marcel Gingras: « […] il convient de jeter un coup d’œil sympathique sur nos compatriotes ontariens de langue anglaise »[41]. L’utilisation de l’adjectif possessif « nos » signifie que ce journaliste s’approprie aussi l’adjectif « ontarien ». C’est une chose qu’il fait à plusieurs reprises dans son éditorial, qui évalue la place de la langue française dans la fonction publique ontarienne. Ainsi, il s’identifie comme un Ontarien, ou un Franco-Ontarien[42]. Pour sa part, Robert l’Heureux présente les Québécois comme des « autres » et met l’accent sur les différences d’opinion divisant les peuples québécois et franco-ontariens[43]. Plus particulièrement, l’Heureux parle des Québécois à la troisième personne; il les dépeint comme des gens extérieurs à sa communauté lorsqu’il tente d’expliquer leur refus à célébrer le Centenaire. Il manifeste de l’embarras face à la position des Québécois, alors que les Franco-Ontariens s’apprêtent à célébrer la Confédération canadienne. Cette situation montre que le « nous » franco-ontarien de Robert l’Heureux se développe en réaction au discours identitaire des Québécois, discours qui effrite les liens entre ces deux communautés[44].

Le seul journal francophone à ne pas utiliser le « nous » canadien-français est L’Évangéline. Depuis les années 1860, les Acadiens soutiennent qu’ils sont un groupe distinct sur la scène régionale et nationale[45]. Par conséquent, ils n’adhèrent pas réellement au « nous » canadien-français. Cela explique pourquoi Bernard Poirier de L’Évangéline se réfère plutôt à un « nous » acadien[46]. Poirier critique également abondamment le Québec pour sa retenue face aux célébrations du Centenaire. Dans un éditorial, il fait une distinction claire entre le Québec et les Acadiens. Cela démontre que Bernard Poirier considère le Québec comme un « autre » différent de ses compatriotes acadiens. Il présente cet « autre » comme irrespectueux, ingrat et belliqueux. Poirier emploie une analogie entre un enfant et le Québec pour véhiculer cette image : « Le Canada, ce n’est pas un jardin d’enfance, et la bouderie ne mène pas loin de nos jours »[47].

Les mots durs que Poirier porte à l’égard du Québec laissent entendre que la relation entre le « nous » acadien et l’« autre » québécois est déjà acrimonieuse dans l’esprit de certains, avant même les États généraux du Canada français de novembre 1967. Ces quelques exemples permettent de corroborer les thèses de plusieurs historiens qui ont étudié la question identitaire au Canada français dans les années 1960. Comme l’ont démontré plusieurs d’entre eux, plusieurs signes avant-coureurs de la rupture du Canada français sont perceptibles avant même l’ouverture des États généraux de 1967[48].

Les journalistes francophones hors Québec mettent le vocable identitaire « canadien-français » en relation avec leur territoire provincial. Cela démontre qu’ils ont entamé leur transition identitaire qui va les mener à s’identifier complètement à leur province. De plus, cette présentation des Québécois comme des « autres » montre qu’il y a une distance qui s’est installée, pas seulement vis-à-vis de l’identité canadienne-française, mais aussi entre les diverses communautés francophones du Canada.

3. La frontière entre le « nous » et l’« autre » chez les journalistes anglophones : les multiples identités des Anglo-Canadiens

Plusieurs journalistes anglo-canadiens ont de multiples appartenances identitaires qui s’imbriquent les unes dans les autres. Des journalistes du Chronicle Herald et du Vancouver Sun s’identifient à leur province, tandis que des chroniqueurs de l’Ottawa Citizen et du Toronto Star s’identifient à leur ville[49]. Nous constatons que le changement d’identifiant se fait à la suite du remplacement du cadre territorial par un autre. En effet, tous les journaux anglophones à l’étude ont un « nous » canadien. C’est ce « nous » canadien qui est le plus souvent jumelé à l’identifiant régional ou provincial.

Le Chronicle Herald est le journal qui permet le mieux de montrer cette multiplicité identitaire. Un chroniqueur anonyme utilise un « nous » qui désigne les habitants des Maritimes. Ce « nous » est mis en opposition à un « autre » qui est plus à l’ouest de l’Atlantique : 

In this Centennial year, Maritimers who are celebrating one hundred years of Confederation sincerely hope that the federal government will show the same degree of largesse in the solution of our problems as has been showered upon some of the provinces west of the Atlantic in recent years.[50]

Ce « nous » maritimers qu’emploie ce chroniqueur inconnu démontre une identification régionale qui déborde les frontières de sa province. Il faut souligner que cette identité de maritimers est plutôt ancienne, puisque la Conférence de Charlottetown de 1864 visait initialement à unir les provinces atlantiques. Néanmoins, d’autres journalistes du Chronicle Herald entretiennent des référents identitaires distincts qui ont des balises territoriales différentes. Par exemple, l’éditorialiste du Chronicle Herald critique des étudiants québécois qui ont manifesté leur opposition à la monarchie canadienne. Dans ce contexte, il mobilise un second référent identitaire, celui de Néo-Écossais. Ce changement d’identifiant est dû au déplacement des balises territoriales qui se sont resserrées sur la province :

When in Quebec, sensible Nova Scotians are prepared to concede that the monarchy is much less popular there than here. When in Nova Scotia, Quebeckers should also be prepared to recognize the difference.[51]

Cet éditorialiste prend position en appui aux Néo-Écossais qui soutiennent la monarchie. Il s’inclut dans le « nous » néo-écossais. De plus, il présente les Québécois comme des « autres » qu’il critique abondamment.

Notre analyse permet d’approfondir les découvertes de Philip Buckner qui soutient que les Canadiens ont de multiples identités qui n’entrent pas nécessairement en confrontation[52]. Nous démontrons que les multiples identités des journalistes anglophones n’entrent pas en contradiction et sont mutuellement complémentaires. Chaque identité s’imbrique les unes dans les autres en raison de la variété de leur dimension spatiale. Cette situation correspond à ce qu’Helen Davies rapporte, à savoir que le Centenaire mettait l’accent sur les loyautés régionales déjà existantes[53].

4. Un vaste territoire nordique : un défi formateur

Dans leurs chroniques et éditoriaux, les journalistes font fréquemment le pont entre le territoire canadien et l’identité nationale. Pour eux, le territoire a contribué à forger le « caractère canadien », en favorisant le développement de certaines vertus chez les habitants du pays. Nous abordons ici trois éléments représentés comme étant fondateurs de l’identité canadienne: le climat nordique, l’immensité territoriale et le commerce des fourrures.

La première représentation identitaire concerne la relation entre le climat nordique et les vertus de la robustesse, du courage et de la force des Canadiens. Dans ce cas-ci, la nordicité est un élément qui permet aux journalistes de mieux distinguer et caractériser le « nous » et d’affirmer sa supériorité face à « l’autre » américain. La chronique de Bruce West parue dans le Globe and Mail est celle qui expose de manière la plus convaincante cette représentation[54]. Ce chroniqueur rapporte en partie le déroulement de l’inauguration de la flamme du Centenaire sur la colline parlementaire. West cite l’un de ses collègues, Greg Clark, dans son texte : « ‘’BOY!’’ said he. ‘’Did you see that steam? If any Americans were watching that ceremony on their TV sets it must have scared the dickens out of them! After all, any neighbor that breathes live steam like that when it kicks off its centenary is a neighbor to be reckoned with’’ »[55]. Le fait que Bruce West rapporte les mots de son collègue qui présente ce nuage de vapeur expiré par les personnalités sur la scène lors de l’événement comme inspirant la peur et le respect lui permet de défendre la supériorité du Canada.

Au sein du corpus analysé, L’Évangéline est le seul journal francophone à diffuser cette représentation[56]. D’ailleurs, il est particulier aux journalistes de L’Évangéline et du Toronto Star de soutenir cette représentation de la nordicité à l’aide d’un usage du passé[57]. À l’occasion de la fête du Canada, l’éditorialiste du Toronto Star célèbre les Pères de la Confédération. C’est dans ce contexte qu’il présente des qualités que les ancêtres des Canadiens ont développé en raison des difficultés du climat : « It took hard work and hardy people to make nature yield her treasures in this wintry clime. We tend to regard our history as humdrum and unheroic after the age of discovery and exploration »[58]. Ainsi, il affirme que ses prédécesseurs étaient des gens robustes et productifs et que ces qualités ont été transmises à leurs descendants. Cet usage du passé permet au journaliste d’affirmer la supériorité des Canadiens en raison du climat nordique du pays.

La seconde représentation en lien avec le territoire aborde l’immensité territoriale comme un défi passé et actuel que le « nous » canadien a dû affronter. Plusieurs journalistes anglophones présentent ce défi territorial comme ayant façonné les habitants du pays[59]. Ils utilisent une certaine interprétation historique de la colonisation pour soutenir que les défis qu’a posés l’immensité territoriale ont contribué à forger le « caractère canadien ». De plus, cette interprétation permet d’affirmer que le défi territorial est continu dans l’histoire canadienne. L’éditorialiste de la Gazette est celui qui développe le plus cette seconde représentation. Peu avant la fête du Canada, il rend hommage au pays et à son passé, et souligne l’influence du territoire sur son histoire. C’est dans ce contexte que le journaliste affirme ceci :

The great struggle of Canada, throughout all its years, has been the struggle with space. […] The separation of space has raised the problems of misunderstanding, and divided outlook, and the doubts that come with the unfamiliar. But if these have been the problems, great, too, are the opportunities for a bigness of outlook. Space as brought the pattern of variety and all the differences of tradition and experience that are represented in the heraldic symbols of Canada and its provinces. By becoming accustomed to space, Canadians have also grown accustomed to differences. And out of these far horizons has grown a tolerance, and must grow adjustments and accomodations […]. The far horizons will be Canada’s unending challenge.[60]

L’interprétation historique employé par cet éditorialiste permet aussi de soutenir que le courage, la tolérance et la diversité -que le journaliste attribue au « nous » canadien pour le distinguer- sont des qualités qui ont été suscitées par l’immensité du territoire[61]. Toutefois, pour lui, non seulement le défi territorial est la cause de la diversité et de la tolérance, mais, de manière contradictoire, il croit aussi que c’est la cause de la division entre les Canadiens.

Des journalistes du Devoir et du Droit abordent aussi le territoire comme un défi qu’ont affronté les ancêtres des Canadiens, mais ils ne présentent pas cette épreuve comme les ayant modelés[62]. Claude Ryan du Devoir soutient que le défi territorial a affecté le développement des infrastructures du pays et que ce défi est strictement chose du passé : « territoire aux espaces immenses […], le Canada est aujourd’hui sillonné, de l’Atlantique au Pacifique, par des moyens de communication qui font tomber l’obstacle des distances »[63]. Bref, seuls les journalistes anglophones affirment que cette épreuve est encore actuelle et qu’elle a modelé le caractère des Canadiens.

En troisième lieu, l’histoire du commerce des fourrures est parfois mobilisée par certains chroniqueurs pour légitimer la fondation du Canada, ses balises territoriales contemporaines ainsi que le pouvoir exercé par l’État fédéral. Les journalistes de La Liberté et le Patriote et du Globe and Mail octroient également une valeur symbolique au canot ou à la pagaie. Lors du Centenaire, le train prend également une valeur symbolique. La seule existence du train de la Confédération, un musée ambulant qui a traversé le Canada en 1967, le démontre[64]. Dans La Liberté et le Patriote, un chroniqueur anonyme présente l’histoire du commerce des fourrures et la met en parallèle avec les aventures qui attendent les canotiers du Centenaire :

Une étude approfondie de la vie des voyageurs nous apprend que leur réseau de communication traversait une forêt immense tel [sic] une dentelle de rivière turbulente et de milliers de lacs. […] Il n’existait d’autre moyen que le canot ni d’autre voie que celle des eaux. […] Cette immense entreprise a probablement eu un effet marquant sur le rapprochement de l’est et de l’ouest du pays et déposé dans l’esprit des bâtisseurs le germe d’unité qui est à la base de la Confédération.[65]

Cette citation montre bien comment l’auteur projette des balises territoriales contemporaines dans le passé, car il fait abstraction de celles de l’époque coloniale[66]. L’emphase mise dans la dernière citation sur le caractère essentiel du canot dans le développement du Canada octroie également une valeur symbolique à cet objet dans l’histoire du pays[67].

5. Le territoire, une source de richesse

Dans cette dernière partie, nous étudions des représentations qui soulignent les bénéfices matériels qu’a octroyés le territoire aux Canadiens, plutôt que les bienfaits abstraits que nous avons analysés précédemment. Lorsqu’ils abordent le Centenaire, une majorité de journalistes représentent le territoire comme une richesse qui stimule l’économie canadienne et apporte une certaine prospérité au pays. Ceux-ci attribuent majoritairement la richesse du territoire aux ressources naturelles qu’il contient[68].

Seul l’éditorialiste du Vancouver Sun applique cette représentation identitaire autant au « nous » canadien qu’au « nous » britanno-colombiens. La majorité de ses collègues l’appliquent uniquement au « nous » canadien. Il véhicule cette représentation du territoire comme une richesse lorsqu’il aborde l’avenir de la Colombie-Britannique : 

They [les Britanno-Colombiens] are perhaps the most fortunate of all Canadians. In a nation richly endowed with material wealth their resources are especially abundant. They have not always been fortunate in their leadership but despite this, they too, can expect their growth to continue.[69]

Ce journaliste réfère au territoire canadien lorsqu’il parle de la nation et aux ressources naturelles lorsqu’il parle de richesse matérielle. Ainsi, il établit une liaison entre le territoire, la richesse et les ressources naturelles. Il ne mentionne pas à quel type de croissance il fait référence particulièrement. Toutefois, il n’est pas déraisonnable de conclure que celui-ci réfère à une croissance économique.

Un texte publié au Droit et une chronique du Soleil diffusent cette représentation conjointement avec un usage du passé qui présente le territoire canadien comme étant pleinement exploité seulement après la Confédération[70]. Seuls ces deux journaux francophones diffusent cette représentation conjointement avec un usage du passé. Le meilleur exemple se retrouve dans la chronique de Gilles Boyer qui fait un récapitulatif de l’histoire canadienne depuis 1867 :

Le Canada est devenu l’une des grandes nations industrielles au monde, l’une de celles dont le revenu par habitant est le plus élevé. Grâce à la fédération des provinces, le chemin de fer a été l’instrument qui a permis le développement de l’Ouest. L’adaptation de nouvelles variétés de blé dans les vastes plaines des Prairies n’a pas tardé à faire de celles-ci le ʺgrenier du mondeʺ. Ainsi s’est établie une économie transcontinentale qui a engendré la prospérité au pays.[71]

Boyer invisibilise ou sous-évalue l’importance des développements territoriaux qui avaient déjà été faits à l’est du pays avant la Confédération. Par conséquent, il diffuse une certaine interprétation du passé qui consiste à présenter le territoire comme réellement exploité après l’acte confédératif de 1867[72]. La promotion de cette interprétation permet d’accroitre l’importance de la Confédération dans le développement du territoire. Les journalistes de la Belle Province abordent peu les richesses du territoire avec un « nous » québécois. Roger Champoux de La Presse établit bien un lien entre les ressources naturelles de la province et sa prospérité économique, mais il soutient en même temps que les ressources naturelles au Québec ne sont pas encore exploitées à leur plein potentiel[73].

Conclusion

Notre article démontre l’influence du territoire dans la redéfinition des limites du « nous » et de l’« autre » des éditorialistes et chroniqueurs. Les journalistes canadiens-français adhèrent à l’idée du Canada français, mais ils manifestent un début d’identification à leur province. Nous donnons ici raison à Yves Frenette et Marcel Martel : la transition identitaire des Canadiens français est entamée avant la rupture des États généraux du Canada français de novembre 1967[74]. De leur côté, les journalistes anglo-canadiens ont de multiples appartenances identitaires qui varient en fonction de la région ou des balises territoriales invoquées. Cet article démontre également que plusieurs  d’entre eux utilisent la nordicité pour caractériser le « nous » canadien et affirmer sa supériorité sur l’« autre » américain. Quelques éditorialistes et chroniqueurs, francophones et anglophones, utilisent aussi l’immensité territoriale canadienne pour caractériser les citoyens du pays. Les propos des journalistes et les représentations qu’ils véhiculent sont plus retentissants lors d’une année de célébration comme le Centenaire de la Confédération, car ils circulent davantage dans les réseaux de communications. Ils participent ainsi à redéfinir l’identité des Canadiens, des Québécois et des Canadiens français hors Québec.


Notes

  • [1] José E. Igartua, The Other Quiet Revolution : National Identities in English Canada, 1945-1971, Toronto, UBC Press, 2007, p. 12-13; Marcel Martel, Le Deuil d’un pays imaginé. Rêves, luttes et déroute du Canada français, Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 1997, p. 18.
  • [2] Les actes commémoratifs permettent d’avoir accès à la situation sociopolitique de l’époque et nous enseignent plus sur leur période que sur l’histoire qu’ils tentent de commémorer. H. V. Nelles, L’histoire spectacle. Le cas du tricentenaire de Québec, Montréal, Boréal, 2003, p. 17.
  • [3] José E. Igartua étudie les représentations de l’identité nationale afin d’aborder les transformations identitaires des Anglo-Canadiens. Voir José E. Igartua, op. cit, 277 p. Gary Miedema analyse les représentations religieuses du Canada lors des célébrations du Centenaire pour aborder les mutations à la définition religieuse officielle du pays. Voir Gary Miedema, For Canada’s Sake : Public Religion, Centennial Celebrations, and the Re-making of Canada in the 1960s, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2005, 308 p.
  • [4] José E. Igartua, op. cit., p. 6.
  • [5] Paul Litt, Trudeaumania, Toronto, UBC Press, 2016, p. 36-37.
  • [6] Ibid.
  • [7] Les journaux analysés sont le Devoir, La Presse, Le Soleil, Le Nouvelliste, la Gazette, le Droit, l’Ottawa Citizen, le Toronto Star, le Globe and Mail, LÉvangéline, The Chronicle Herald, La Liberté et le Patriote, le Vancouver Sun et l’Edmonton Journal.
  • [8] Voici la listes des événements les plus saillants du Centenaire et de l’Expo 67: la cérémonie allumant la flamme du Centenaire (31 décembre 1966), le départ du train de la Confédération en Colombie-Britannique (9 janvier 1967), l’inauguration de l’Expo 67 (27 avril), le départ d’une compagnie de canots de la Saskatchewan (21 mai), la fête de la St-Jean Baptiste (24 juin), l’arrivée de la reine Elizabeth II au Canada (29 juin), la Fête nationale du Canada (1er juillet), le passage de la reine à l’Expo (3 juillet), l’arrivée de Charles de Gaulle à Québec (23 juillet), le discours de De Gaulle prononcé à Montréal (24 juillet), le passage de De Gaulle à l’Expo (25 juillet), l’arrivée des canoteurs partis de la Saskatchewan à l’Expo (4 septembre), la fermeture de l’Expo (29 octobre) et l’arrivée du train de la Confédération à Montréal (5 décembre).
  • [9] Les historiens Yves Frenette, Marcel Martel et Jean-Philippe Warren représentent bien les principales positions sur cette question. Yves Frenette, Brève histoire des Canadiens français, Montréal, Boréal, 1998, p. 153 et 174 à 178. Marcel Martel, « Trois clés pour comprendre la rupture du Canada français, 1950-1965 », dans Benoît Cazabon (dir.), Pour un espace de recherche au Canada français. Discours, objets et méthodes, Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 1996, p. 37 à 40. Jean-Philippe Warren, « L’invention du Canada français. Le rôle de l’Église catholique », dans Martin Pâquet et Stéphane Savard (dir.), Balises et références. Acadies, francophonies, Québec, Presses de l’Université Laval, 2007, p. 21-22 et 50.
  • [10] Michel Bock, Comment un peuple oublie son nom. La crise identitaire franco-ontarienne et la presse française de Sudbury, 1960-1975, Sudbury, Université Laurentienne de Sudbury, 2001, 119 p.
  • [11] Marcel Martel, loc. cit., p. 37; Yves Frenette, op. cit., p. 180-181.
  • [12] Plusieurs recherches, comme celle de Pauline Curien qui analyse l’identité québécoise exposé dans le pavillon du Québec à l’Expo 67, portent sur les identités véhiculer uniquement lors du Centenaire ou de l’Expo. Gary Miedema est l’un des seuls à aborder les deux événements de concert lorsqu’il analyse les représentations religieuses du Canada lors de ces deux événements. Voir: Gary Miedema, op. cit., 308 p. Pauline Curien, L’identité nationale exposée. Représentations du Québec à l’Exposition universelle de Montréal 1967 (Expo 67), thèse de Ph.D. (science politique), Université Laval, 2003, 411 p.
  • [13] Robert Aird, « L’Expo 67 à travers la caricature », Bulletin d’histoire politique, vol. 17, no 1, 2008, p. 113 à 120.
  • [14] Eva Mackey explique que le caractère nordique du pays a été employé pour définir les Canadiens à la suite de la Confédération. Eva Mackey, The House of Difference: Cultural Politics and National Identity in Canada, Toronto, University of Toronto Press, 2002, p. 23 à 49.
  • [15] Misao Dean rapporte que le matériel promotionnel de la course de canot du Centenaire employait la nature sauvage du pays pour définir les Canadiens. Voir Misao Dean, « The Centennial Voyageur Canoe Pageant as Historical Re-Enactment », Revue d’études canadiennes, vol. 40, no 3, automne 2006, p. 53 à 55. Stéphane Savard aborde l’ascendance du contrôle territorial par Hydro-Québec dans la définition du « nous » québécois. Voir Stéphane Savard, Retour sur un projet du siècle. Hydro-Québec comme vecteur des représentations symboliques et identitaires du Québec, 1944 à 2005, thèse de Ph.D. (histoire), Université Laval, 2010, p. 159 à 176.
  • [16] Denise Jodelet (dir.), Les représentations sociales, Paris, Presses universitaires de France, 1989, p. 52-53.
  • [17] Ibid., p. 52.
  • [18] Martin Pâquet, « ʺAmnistier le passé comme on enlève des bottesʺ. Des usages publics du passé au Canada et au Québec contemporains », dans Martin Pâquet (dir.), Faute et réparation au Canada et au Québec contemporains. Études historiques, Québec, Nota bene, 2006, p. 17-18.
  • [19] Commission royale sur les quotidiens, Rapports, Ottawa, Centre d’édition du gouvernement du Canada, 1981, p. 31.   
  • [20] Le Soleil, Le Nouvelliste et l’Edmonton journal défendent tous des intérêts régionaux. Voir : André Beaulieu, Jean Hamelin et al., La presse québécoise des origines à nos jours. Tome sixième, 1920-1934, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1984, p. 19; André Beaulieu, Jean Hamelin et al., La presse québécoise des origines à nos jours. Tome premier, 1764 à 1859, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1973, p. 6.
  • [21] Le Droit, La Presse, Le Soleil défendent les intérêts des Canadiens français, tandis que L’Évangéline défend celle des Acadiens. Le Vancouver Sun et le Toronto Star ont une orientation politique plus libérale, tandis que la Gazette est de tendance conservatrice modérée. Le lectorat du Devoir se retrouve plus généralement du côté des élites de la société québécoise. Voir : Commission royale sur les quotidiens, op. cit., p. 31; André Beaulieu, Jean Hamelin et al., La presse québécoise. Tome premier, op. cit., p. 6; André Beaulieu, Jean Hamelin et al., La presse québécoise des origines à nos jours. Tome quatrième, 1896 à 1910, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1979, p. 332.
  • [22] Michel Bock aborde l’évolution du discours identitaire dans la presse franco-ontarienne. Voir: Michel Bock, op. cit.
  • [23] Benedict Anderson considère que la nation est une communauté politique imaginée limitée et souveraine. Voir Benedict Anderson, Imagined Communities: Reflections on the Origin and Spread of Nationalism, New York, Verso, 2006 [1983], p. 5 à 7.
  • [24] Jean-Marc Léger, « Au-delà des illusions », Le Devoir, 4 juillet 1967, p. 4; Roger Champoux, « La minute de réflexion », La Presse, 31 décembre 1966, p. 4. Le Droit rediffuse une chronique parue dans le journal L’Action de Québec qui contient cette représentation. Voir Laurent Laplante, « Lettre à un député fédéral », Le Droit, 4 juillet 1967, p. 6.
  • [25] John Meyer,« Expo’s Important Benefits are not on Balance Sheet », The Chronicle Herald, 25 juillet 1967, p. 7; Anonyme,« Centennial Dominion Day for Everyman : The Time is Now », The Edmonton Journal, 30 juin 1967, p. 4; Anonyme,« The Party is Complete », The Globe and Mail, 29 juin 1967, p. 6; Charles Lynch,« It’s our Golden Age », The Ottawa Citizen, 27 avril 1967, p. 7; Anonyme,« The Horizon of 100 Years », The Gazette, 30 juin 1967, p. 6; Anonyme,« Expo : A Surge of Pride in Canada », Toronto Star, 27 avril 1967, p. 6; Anonyme,« As our First Century Ends… », The Vancouver Sun, 30 juin 1967, p. 4.
  • [26] Les éditorialistes du Nouvelliste et du Soleil tentent de contourner ce problème linguistique. Par exemple, l’éditorialiste du Soleil emploie la définition anglophone du mot « nation » qui est un synonyme de pays. Toutefois, il attribue au mot « nationalité » la définition française de nation. Par conséquent, il considère que le Canada contient deux nationalités différentes, mais que celles-ci forment une seule nation. Voir, Anonyme, « À l’aube du Centenaire », Le Soleil, 31 décembre 1966, p. 4. Sylvio St-Amant du Nouvelliste a des positions contradictoires. Il emploi à la fois la définition française et anglaise de ce mot. Voir Sylvio St-Amant, « Infantilisme amusant », Le Nouvelliste, 3 janvier 1967, p. 4
  • [27] Michel Seymour, La nation en question, Montréal, Éditions de l’Hexagone, 1999, p. 14.
  • [28] Paul Litt, op. cit., p. 36-37.
  • [29] L’historien Stéphane Paquin étudie de manière extensive cette théorie dans l’ouvrage L’invention d’un mythe. Le Pacte entre les deux peuples fondateurs, Montréal, VLB éditeur, 1999, 171 p. C’est une interprétation historique qui prétend que l’Acte confédératif est le résultat d’un pacte entre les Canadiens français et anglais.
  • [30] Matthew Hayday et Raymond Blake, « Introduction. Celebrating Canada: Commemorations, Anniversaries, and National Symbols », dans Matthew Hayday et Raymond Blake (dir.), Celebrating Canada: Commemorations, Anniversaries, and National Symbols, Toronto, University of Toronto Press, 2018, p. 16.
  • [31] Processus notamment étudié par Yves Frenette, op. cit.
  • [32] Sylvio St-Amant, « Un défi à relever », Le Nouvelliste, 23 juin 1967, p. 4.
  • [33] Roger Champoux de La Presse emploie aussi le vocable identitaire « Canadiens français », mais délimite le territoire national à celui du Québec. Voir Roger Champoux, « S’acharner toujours! », La Presse, 23 juin 1967, p. 4.
  • [34] Claude Ryan, « Les ʺdeux centenairesʺ », Le Devoir, 4 janvier 1967, p. 4.
  • [35] Anonyme, « Cent ans après », Le Soleil, 4 juillet 1967, p. 4.
  • [36] Richard Arès est un intellectuel invité à écrire une chronique au Devoir. Voir Roger Champoux, loc. cit.; Richard Arès, « Bilan d’un siècle », Le Devoir, 30 juin 1967, p. 25.
  • [37] L’éditorialiste du Soleil ne dit pas directement que le premier ministre du Québec est le porte-parole du Canada-français, mais fait référence à des traités entre le Canada français et la France. Toutefois, c’est le gouvernement du Québec qui a signé ces traités avec la France. Voir Anonyme, « Cent ans après », loc. cit.
  • [38] Michael D. Behiels, Prelude to Quebec’s Quiet Revolution : Liberalism Versus Neo-Nationalism, 1945-1960, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 1985, p. 58 à 60.
  • [39] Lucia Ferretti, « La Révolution tranquille », L’action nationale, vol. 89, no 10, décembre 1999,p. 84.
  • [40] Marcel Martel soutient que le néonationalisme est l’une des clés permettant d’expliquer l’éclatement de l’identité canadienne-française. Voir Marcel Martel, loc. cit., p. 37 à 40.
  • [41] Marcel Gingras, « Nos amis anglophones », Le Droit, 30 juin 1967, p. 6.
  • [42] L’éditorialiste de La Liberté et du Patriote démontre également un début d’identification à son territoire provincial lorsqu’il ajoute « du Manitoba » à la suite du vocable « Canadien français ». Voir Anonyme, « Voyages enrichissants à la portée des jeunes », La Liberté et le Patriote, 3 août 1967, p. 2.
  • [43] Robert l’Heureux, « Le Centenaire », Le Droit, 6 janvier 1967, p. 2.
  • [44] Michel Bock, op. cit., p. 26.
  • [45] Nicolas Landry et Nicole Lang, Histoire de l’Acadie, Québec, Septentrions, 2001, p. 157-158.
  • [46] Bernard Poirier, « Le Québec, mauvais perdant? », L’Évangéline, 4 janvier 1967, p. 4.
  • [47] Ibid.
  • [48] Marcel Martel, loc. cit., p. 37 à 40 ; Yves Frenette, op. cit., p. 180-181.
  • [49] Anonyme, « …And Our Particular Part », The Vancouver Sun, 31 décembre 1966, p. 4; Anonyme, « Is This the Best we can do on our Birthday? », Toronto Star, 29 juin 1967, p. 6; Roger Appleton, « Expo Shows us how : Rapid Transit’s Uncomfortable, but it Moves Crowds », The Ottawa Citizen, 4 juillet 1967, p. 6.
  • [50] Anonyme,« In This Centennial Year », The Chronicle Herald, 2 janvier 1967, p. 3.
  • [51] Anonyme, « ‘Different Traditions’ », The Chronicle Herald, 28 octobre 1967, p. 4.
  • [52] Il prend en exemple le sentiment d’appartenance à l’Empire britannique et à la nation canadienne et démontre la coexistence de ces attachements sur plusieurs décennies. Philip Buckner, « The Long Goodbye », dans Philip Buckner et R. Douglas Francis (dir.), Rediscovering the British World, Calgary, University of Calgary Press, 2005, p. 182, 186 et 189.
  • [53] Lyn Spillman, Nation & Commemoration : Creating National Identities in the United States and Australia, cité par Helen Davies, op. cit., p. 32 et 33.
  • [54] On peut également retrouver cette représentation identitaire dans le Vancouver Sun, l’Edmonton Journal, le Toronto Star et l’Évangéline. Des journalistes du Vancouver Sun et de l’Edmonton Journal diffusent celle-ci à l’aide de poèmes. Toutefois, chez eux, cette représentation n’est pas utilisée pour affirmer la supériorité du pays. Voir Bruce Hutchison, « Happy 100th Birthday Canada! », Vancouver Sun, 30 juin 1967, p. 1; Ruth Bowen, « Voices Echo ‘Canada’ », Edmonton Journal, 30 juin 1967, p. 17.
  • [55] Bruce West, « Getting up Steam », The Globe and Mail, 2 janvier 1967, p. 17.
  • [56] On suppose que la plus grande proximité géographique des Acadiens avec les Anglo-Canadiens facilite le transfert de représentations d’un groupe à l’autre.
  • [57] Anonyme, « Le Canada vu dans sa totalité », L’Évangéline, 3 janvier 1967, p. 4. Il faut spécifier que cette chronique a été publiée à l’origine dans le Bulletin mensuel de la Banque royale du Canada. La rediffusion de cet article atteste de la validité de la représentation et de sa circulation dans le réseau de communications.
  • [58] Anonyme, « Let’s Confess : It’s Great to be Canadians », Toronto Star, 1 juillet 1967, p. 6.
  • [59] Certains journalistes perçoivent le territoire comme un défi en lui-même à cause de sa grandeur et de la nature sauvage qu’il contient. Voir Anonyme, « As Our First Century Ends… », loc. cit.; Anonyme, « Let’s Confess : It’s Great to be Canadians », loc. cit. D’autres journalistes perçoivent le territoire comme un défi financier (comme le chroniqueur du Chronicle Herald) ou comme un défi à l’établissement d’un patriotisme (comme l’éditorialiste de l’Edmonton Journal). Voir Anonyme, « In This Centennial Year », loc. cit.; Anonyme, « Centennial Dominion Day for Everyman. The Time is Now », loc. cit.
  • [60] Anonyme, « The Horizon Of 100 Years », loc. cit.
  • [61] L’éditorialiste du Soleil ne partage pas la représentation du territoire comme un défi, mais, comme les journalistes de la Gazette, véhicule l’idée que le vaste territoire a facilité l’implantation d’un climat de tolérance. Voir Anonyme, « Cent ans après », loc. cit.
  • [62] Dans Le Droit, c’est l’écolière Colette Laporte qui soutient que cette épreuve territoriale, datant du passé préconfédératif, a façonné les infrastructures du Canada. Colette Laporte est une élève du primaire qui a gagné un concours de rédaction dans le cadre du Centenaire. Bien qu’elle ne soit pas une journaliste, son texte atteste de la circulation de cette représentation dans le réseau de communication.
  • [63] Claude Ryan, « Un siècle d’expérience canadienne », Le Devoir, 30 juin 1967, p. 4
  • [64] Seul Frank Underhill du Toronto Star emploie ce symbole; il l’utilise afin d’encourager l’unité nationale. Ainsi, ce symbole n’est pas employé par les journalistes afin de légitimer l’existence du Canada. Voir : Frank Underhill, « STILL– ‘Great things to do together’ », Toronto Star, 31 décembre 1966, p. 7.
  • [65] Anonyme, « La course en canot : Ce n’est pas un jeu d’enfant », La Liberté et le Patriote, 22 décembre 1966, p. 8.
  • [66] Misao Dean aborde également cet usage du passé et ses conséquences dans son étude du matériel promotionnelle de la course de canot. Misao Dean, loc. cit., p. 53.
  • [67] Un chroniqueur du Globe and Mail diffuse aussi cet usage du passé lorsqu’il désigne indirectement les voyageurs comme les fondateurs de la nation. Il octroie aussi une valeur symbolique à la pagaie. Voir Anonyme, « A Triumph », The Globe and Mail, 5 septembre 1967, p. 6.
  • [68] Ruth Bowen, loc. cit.; Anonyme, « Let’s Confess : It’s Great to be Canadians », loc. cit.
  • [69] Anonyme, « …And Our Particular Part », loc. cit.
  • [70] Colette Laporte, loc. cit.
  • [71] Gilles Boyer, « En l’espace de cent ans », Le Soleil, 29 juin 1967, p. 4.
  • [72] Colette Laporte attribue aussi la prospérité du Canada à une exploitation efficace des ressources du territoire et du territoire lui-même à la suite de l’Acte de 1867. Voir Colette Laporte, loc. cit.
  • [73] Roger Champoux, « S’acharner toujours! », La Presse, 23 juin 1967, p. 4.
  • [74] Yves Frenette, op. cit., 211 p; Marcel Martel, op. cit., p. 37 à 40.